Tourisme sexuel au Maroc : une industrie florissante contre les droits de l’enfant

Le Maroc devient de plus en plus un «paradis» pour les pédophiles venant du monde entier. Compte tenu de sa facilité d’accès à l’Europe, du grand nombre d’enfants pauvres et du caractère tabou de cette question, le Maroc est la destination idéale pour le tourisme sexuel et l’exploitation sexuelle des enfants . De plus, la faiblesse des structures juridiques et d’application de la loi dans la mise en œuvre et la protection des droits des enfants est un autre élément clé dans la poursuite de cette forme de violence contre les enfants . En effet, la plupart du temps, les enfants maltraités sont perçus comme des auteurs plutôt que comme des victimes, avec toutes les conséquences socio-juridiques qui sont liées à ce stéréotype.

Traite d’enfants à des fins sexuelles
Principale voie de transit pour les victimes de la traite , destination des touristes sexuels et pays d’origine de nombreuses femmes prostituées à l’étranger, le Maroc est actuellement embourbé dans plusieurs formes d’ exploitation sexuelle . Selon le rapport 2021 du Département d’État américain sur la traite des personnes (Fondation Scelles, 2016), le Maroc est placé sur la liste de surveillance de niveau 2, ce qui signifie qu’il a pris des mesures pour éliminer la traite des êtres humains, mais qu’il ne respecte pas encore les normes minimales ( Prafcke, 2021).

Des enfants marocains ont été documentés comme faisant l’objet d’un trafic à des fins sexuelles vers l’Europe et le Moyen-Orient, tandis que des étrangers ont également été identifiés comme se livrant à l’ exploitation sexuelle d’enfants dans les voyages et le tourisme à l’intérieur des frontières du Maroc . Par ailleurs, au Maroc, 400 enfants victimes de la traite ont été signalés entre 2012 et 2015, dont la majorité ont été identifiés comme victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle (Prafcke, 2021).

En plus de ce contexte alarmant, les chiffres et les statistiques liés à l’exploitation sexuelle au Maroc sont largement sous-estimés en raison du manque de collecte de données et d’identification des victimes au Maroc (Fondation Scelles, 2016). En effet, il est difficile de connaître l’ampleur exacte de l’exploitation sexuelle des enfants au Maroc car la collecte de données sur la question est insuffisante (Fondation Scelles, 2016).

Il n’y a pas de système national centralisé de collecte de données et il n’y a pas de définitions convenues faisant la distinction entre les différents types de violence sexuelle contre les enfants (UNICEF, 2014). De plus, la nature taboue de la prostitution dans la région et la stigmatisation associée à toute personne impliquée dans la prostitution contribuent à la sous-déclaration des cas d’ exploitation sexuelle des enfants dans la prostitution ainsi qu’à sa nature « clandestine » (ECPAT, 2020).

Le tourisme sexuel et son influence néfaste sur les enfants
Le tourisme sexuel est une industrie florissante au Maroc . En raison de son accessibilité à l’Europe et du grand nombre d’enfants pauvres au Maroc, il est devenu une destination connue des touristes sexuels pédophiles étrangers (Fondation Scelles, 2016). Selon le directeur de Défense des enfants au Maroc , de nombreuses variables contribuent au phénomène du tourisme sexuel, telles que « l’écart de richesse entre les riches et les pauvres dans le pays, l’essor de l’industrie du tourisme, et la faiblesse du cadre juridique et juridique ». structures d’application de la loi dans la mise en œuvre et la protection des droits de l’enfant (ce qui) conduit les touristes qui se rendent au Maroc à rechercher spécifiquement des relations sexuelles avec des enfants » (Fondation Scelles, 2019).

Néanmoins, le gouvernement refuse de reconnaître la présence du tourisme sexuel dans le royaume, craignant que cela ne nuise à la réputation du Maroc en tant que destination bon marché, sûre et familiale (Fondation Scelles, 2019).

Il n’existe pas de chiffres officiels sur la prostitution enfantine au Maroc et aucune étude gouvernementale n’a été réalisée à ce sujet. Le terme « pédophilie » n’existe pas dans la législation marocaine. Cette désinformation des autorités et le manque de soutien institutionnel rendent d’autant plus difficile la lutte contre l’ exploitation sexuelle des enfants (Fondation Scelles, 2019).

Un reportage vidéo publié par France 24 en 2011 a révélé à quel point l’exploitation sexuelle des enfants est étroitement liée aux voyages et au tourisme au Maroc. Le rapport montre comment le Maroc a été dépeint comme un « paradis » pédophile pour les Européens, permettant un accès facile aux enfants défavorisés, le prix approximatif de passer la nuit avec un enfant ne coûtant aux touristes que 30 euros pour la nuit.

Selon le rapport, la pratique des touristes venant chercher des enfants pour le sexe s’est normalisée et certains des jeunes interrogés ont noté que ce sexe de survie était le seul moyen de revenu financier dont disposaient les familles en situation de pauvreté (ECPAT, 2020 ) . En effet, les proxénètes sont très répandus, sollicitant les filles, même au sein des écoles , pour avoir des relations sexuelles avec des touristes le soir, et « malgré des cadres législatifs relativement forts, la corruption pourrait saper le progrès en achetant le silence de certaines forces de l’ordre » (France 24, 2011).

Le gouvernement marocain a fait des efforts pour lutter contre le tourisme sexuel et l’ exploitation sexuelle des enfants . Par exemple, le « Comité marocain du tourisme responsable » a été créé en 2007, et un guide du tourisme responsable est distribué dans les ambassades étrangères et les points d’entrée marocains, tels que les aéroports. Le guide souligne que le tourisme sexuel est une violation des droits de l’homme qui est illégale au Maroc et énonce les peines pour de tels crimes (UNICEF, 2014).

Par ailleurs, des entreprises privées telles que les hôtels ont également pris des mesures pour lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants et le tourisme sexuel en promouvant des procédures de détection des cas d’ exploitation sexuelle des enfants dans les voyages et le tourisme (ECPAT) (ECPAT, 2016). Malgré l’effort, il y a très peu de cas signalés de tourisme sexuel dans les hôtels au Maroc car la pratique s’est déplacée vers d’autres lieux moins surveillés que les hôtels (Fondation Scelles, 2016).

Les perceptions sociales de l’ exploitation sexuelle des enfants sont encore trop souvent stéréotypées. Les jeunes sont davantage perçus comme des délinquants offrant des services de débauche honteux pour leurs communautés, plutôt que comme des victimes d’exploitation à part entière. Dans certains cas, les parents et la famille de l’enfant victime peuvent même bénéficier de cette exploitation, sans en mesurer les conséquences physiques et psychologiques pour l’enfant. Les familles et les communautés restent les garants de la protection de leurs enfants, il est donc important de renforcer leurs compétences et leurs capacités afin qu’ils soient en mesure de jouer efficacement leur rôle (Projet PAX, 2017).

Enfin, les rapports de cas ne conduisent pas toujours à la mise hors de danger de l’enfant et à la poursuite de l’agresseur. L’incapacité des autorités locales à répondre au phénomène conduit souvent à décourager la population affectée de soumettre ces signalements aux autorités compétentes. La méconnaissance des procédures en interne ou auprès des services compétents entrave davantage les décisions de signalement.

D’autre part, la déclaration est parfois erronée, insuffisante ou trop tardive pour que le cas signalé soit correctement étudié tant au niveau local qu’au niveau des services de police. La compréhension des autorités policières doit être renforcée puisque ce sont elles qui interviennent pour mettre l’enfant hors de danger et poursuivre les agresseurs (Projet PAX, 2017).

Victimes et auteurs

Se lon les conclusions d’une étude réalisée en 2014 par l’UNICEF (UNICEF, 2014), l’un des principaux facteurs influençant l’ exploitation sexuelle ou non des enfants est leur environnement familial. Les enfants issus de familles pauvres ou dont les familles ne jouaient pas un rôle actif dans leur vie et leur éducation étaient plus exposés au risque d’exploitation sexuelle.

Les enfants des rues sont plus susceptibles d’être exploités, en particulier ceux qui vivent dans des villes comme Marrakech (Fondation Scelles, 2019), Agadir, Essaouira, Tanger et Tétouan (Morocco World News, 2015). Selon un rapport de la Direction générale de la sécurité nationale du Maroc en 2012, 67 % des violences sexuelles contre les enfants au Maroc se produisent dans la rue (UNICEF, 2014).

Par ailleurs, une étude réalisée en 2003 par les ONG ECPAT International et Bayti a révélé que sur un groupe de 530 enfants maghrébins vivant dans des situations difficiles (notamment dans la rue ), 46,5 % avaient subi des violences sexuelles (UNICEF, 2014).

Un rapport de la Coalition contre les abus sexuels sur enfants (COCASSE) a révélé que la majorité des victimes étaient âgées de 5 à 14 ans et que bon nombre des cas d’abus signalés concernaient des garçons (69 %). Le rapport a étudié un total de 360 ​​infractions sexuelles contre des enfants entre 2010 et 2015 et a constaté que les auteurs sont souvent des membres de la famille. Des infractions sexuelles contre des mineurs sont également commises par des proches, des voisins, des étrangers et des enseignants (Morocco World News, 2015).

La COCASSE a révélé une augmentation significative d’une année sur l’autre du nombre d’infractions sexuelles contre des enfants au Maroc . En 2012, la recherche a montré qu’un total de 65 crimes sexuels contre des enfants ont été enregistrés, contre 76 cas en 2013 et 81 en 2014. Pour les premiers mois de 2015, 42 cas d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants ont été enregistrés ( Maroc Nouvelles du monde, 2015).

Le rapport a également constaté que les villes, où les abus sexuels contre les enfants sont endémiques, sont également les villes qui attirent le plus grand nombre de touristes. Les villes sont : Agadir, Marrakech, Essaouira, Tanger et Tétouan. Les pédophiles étrangers profitent de la pénurie de structures de protection de l’enfance au Maroc et de la clémence de la justice marocaine à l’égard des auteurs de tels crimes (Morocco World News, 2015).

Les prochaines étapes du Maroc pour mettre fin à l’exploitation sexuelle des enfants
Le Maroc a adhéré à presque tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en général et à ceux liés aux droits de l’enfant en particulier, notamment la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CRC) et la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle. et les abus sexuels (Convention de Lanzarote, 2007) (UNICEF, Amane et CNDH, 2014). En outre, le Maroc a également interdit la pornographie enfantine, la vente d’enfants et l’agression sexuelle d’enfants en signant le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en 2001 (Base de données des organes de traités des Nations Unies, 2022).

Le Maroc a également participé à de nombreuses conférences mondiales sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (Stockholm en 1996, Yokohama en 2001 et Rio en 2008) et il a accueilli, en 2001 et 2004, la conférence arabe et la conférence africaine sur l’exploitation, la maltraitance et violence contre les enfants (UNICEF, Amane et CNDH, 2014). Par ailleurs, en 2016, le Maroc a adopté des lois sur la traite des êtres humains, même si la législation ne prévoit pas de sanctions autres que celles applicables à la traite des êtres humains en général (Bulletin officiel, 2016).

D’un point de vue national, en 2011, le Maroc a adopté la loi n° 37-10 qui vise à fournir aux victimes de violences sexuelles et à leurs familles une protection ainsi qu’une assistance juridique et médicale (UNICEF, 2014). Néanmoins, en vertu des articles 497 à 503 du Code pénal marocain, les mineurs exploités dans la prostitution sont condamnés au lieu d’être identifiés comme victimes. En effet, ils sont passibles d’un mois à un an de prison pour avoir eu des relations sexuelles sans être liés par le mariage (pour les hétérosexuels). De plus, la prostitution masculine est également interdite car l’homosexualité est illégale au Maroc .

Les enfants exploités dans la prostitution sont condamnés au lieu d’être identifiés comme victimes. En effet, le Code pénal n’est pas assez précis sur ces questions et laisse aux juges le soin de trancher selon leur propre jugement. Leur faible connaissance des questions de genre et le manque de formation sur ces sujets n’aident pas les décisions judiciaires, qui défavorisent souvent les femmes et les filles dans les affaires de prostitution (Fondation Scelles, 2019).

Ces lois restent insuffisantes pour protéger les enfants de l’exploitation sexuelle , compte tenu également du fait que les trafiquants sont rarement poursuivis pour corruption. Peu de victimes osent se présenter pour témoigner contre les trafiquants et sont souvent découragées par la longueur des procès (Fondation Scelles, 2019).

De la part des institutions, il est important de renforcer les mécanismes de signalement qui permettent de détecter plus facilement les victimes potentielles et de leur fournir une assistance adéquate, d’un point de vue juridique, psychologique et sanitaire. Pour contribuer à cet objectif, différentes ONG locales ont commencé à agir pour promouvoir la réalisation des droits des enfants et les protéger de l’exploitation sexuelle.

En tant que société civile, il est important de continuer à sensibiliser sur cette question afin de lutter contre la stigmatisation et le tabou liés à ce sujet et de promouvoir la protection et la réalisation des droits de chaque enfant. Les acteurs locaux et internationaux ont un rôle important à jouer dans la prévention des pratiques néfastes contre les enfants et dans la sensibilisation aux violations des droits des enfants.

Humanium, en tant qu’acteur international, condamne fermement le tourisme sexuel et toute autre forme de violation des droits et de la dignité des enfants , et plaide pour une sensibilisation à ce problème afin d’éviter les réitérations. Nous travaillons à créer un monde où les enfants peuvent exercer pleinement leurs droits en sensibilisant à ces problèmes et en travaillant avec des ONG locales pour créer un changement. Si vous souhaitez contribuer à notre cause, pensez à faire un don , à faire du bénévolat ou à devenir membre .

Écrit par Arianna Braga

Les références:
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