Espagne : Un jugement révèle 24 années d’espionnage au profit du Maroc

il s'agit du septième citoyen marocain auquel, depuis 2013, la justice a refusé d'accorder la nationalité espagnole "pour des motifs d'ordre public ou d'intérêt national" en raison de rapports du CNI indiquant qu'ils travaillaient ou collaboraient avec l'espionnage de leur pays d'origine.

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Selon El País, un tribunal refuse la nationalité espagnole à un Maghrébin que le CNI accuse de collaborer avec les services secrets de Rabat depuis 1999. Il s’agit du septième jugement depuis 2013 détaillant des activités présumées d’espionnage du pays nord-africain.

L’intense activité des services secrets marocains déployée depuis des années en Espagne a une fois de plus été mise en lumière dans un jugement. La section du contentieux administratif de l’Audience nationale a refusé la nationalité espagnole à un citoyen de ce pays du Maghreb après que le Centre national de renseignement (CNI) ait transmis au tribunal un rapport détaillant qu’il était suspecté de collaborer avec l’espionnage de Rabat « depuis l’année 1999 jusqu’à aujourd’hui ». Le jugement, daté du 9 octobre et auquel EL PAÍS a eu accès, souligne que, dans ses déclarations, le citoyen marocain « ne nie pas » avoir exercé cette activité pendant 24 ans.

D’après la même source, il s’agit du septième citoyen marocain auquel, depuis 2013, la justice a refusé d’accorder la nationalité espagnole « pour des motifs d’ordre public ou d’intérêt national » en raison de rapports du CNI indiquant qu’ils travaillaient ou collaboraient avec l’espionnage de leur pays d’origine. La dernière en date a eu lieu en mai dernier, lorsque la nationalité a été refusée à une personne qui collectait apparemment des informations sur « le Front Polisario et la colonie marocaine résidente en Espagne », comme l’a souligné alors le jugement de l’Audience nationale. Depuis la crise diplomatique entre Rabat et Madrid en 2021 après l’hospitalisation à Logroño du leader du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Brahim Gali, quatre cas présumés d’espions marocains ont été révélés par des jugements.

La nouvelle résolution de l’Audience nationale précise que le présumé collaborateur du service secret marocain a demandé le 9 mai 2013 la nationalité par résidence, pour laquelle il est exigé d’avoir séjourné en Espagne pendant 10 ans « de manière légale, continue et immédiatement antérieure à la demande », ainsi que « le respect des exigences de bonne conduite civique et d’intégration », comme le prévoit le Code civil. Malgré une « instruction favorable de la première phase de la procédure », la Direction générale des registres et du notariat, dépendant du ministère de la Justice, a finalement refusé la demande en novembre 2020 pour « motifs d’ordre public ou d’intérêt national » en raison des soupçons du CNI selon lesquels il apportait une « collaboration avec des services de renseignement étrangers ».

Le citoyen marocain a déposé un recours contentieux-administratif devant l’Audience Nationale contre cette décision, considérant que ce document des services secrets espagnols était générique et ne fournissait « aucun élément concret de la preuve de son degré d’intégration dans les services de renseignement étrangers » ou « des actes de collaboration pouvant être vérifiés de manière objective ». Par conséquent, le tribunal a décidé en janvier dernier de demander au CNI une version plus détaillée de ce rapport, qu’il appelle « version confidentielle », dans laquelle devraient être détaillées, sans compromettre les enquêtes en cours, « les raisons essentielles étayant la décision du ministère de la Justice de refuser l’octroi de la nationalité espagnole » pour des raisons de « sécurité nationale ».

Jusqu’en 2013, les rapports que le CNI transmettait à la justice pour justifier son opposition à l’octroi de la nationalité se limitaient à indiquer que le demandeur représentait une menace pour la « sécurité nationale ». Cependant, quatre arrêts rendus par le Tribunal Suprême entre 2011 et cette année-là ont conclu qu’il était nécessaire que les documents des services secrets précisent, même de manière succincte, les faits concrets qui les avaient conduits à cette conclusion afin de ne pas causer d’atteinte aux droits du citoyen étranger. Depuis lors, les services secrets espagnols ont été contraints de révéler des données de certaines de leurs enquêtes.

Une fois ce document supplémentaire présenté par le CNI, les juges l’ont transmis au requérant pour qu’il puisse présenter des observations. Selon les juges de la décision, ce deuxième document des services secrets fournissait déjà « des données concrètes sur l’activité » du présumé collaborateur de l’espionnage de Rabat. Le tribunal ajoute qu’en réponse à son contenu, le citoyen marocain a simplement soutenu que le CNI s’était « trompé de personne », en plus de proposer de fournir « une documentation provenant des autorités judiciaires et policières marocaines attestant de l’absence d’antécédents judiciaires défavorables, de l’absence d’antécédents criminels au Maroc et de l’absence de mandats d’arrêt émis par les procureurs et les tribunaux marocains ». Auparavant, il avait déjà affirmé n’avoir jamais été condamné en Espagne.

Le tribunal estime que, ce faisant, le demandeur à la nationalité espagnole n’a pas démenti les soupçons contenus dans le rapport du CNI. « Le fait qu’il n’ait pas été condamné et qu’il n’ait pas été expulsé pour cette raison est sans importance, car il ne s’agit pas d’une procédure pénale, ni même répressive, dans laquelle il incombe à l’administration de prouver les faits constitutifs de l’infraction », souligne le jugement.

Les juges insistent sur le fait que « l’accréditation de l’exigence de bonne conduite civique [telle que prévue par l’article 22.4 du Code civil] a une portée beaucoup plus large que le simple défaut d’antécédents judiciaires ou d’arrestations policières, car elle englobe l’absence d’activités contraires aux intérêts généraux ou à la sécurité du pays dont la nationalité est demandée ». Et ils concluent que les activités décrites dans le rapport du CNI révèlent précisément qu’il enfreint cette dernière condition. Par conséquent, le tribunal rejette le recours et condamne le citoyen marocain à payer les frais du processus. Le jugement peut être porté en appel devant le Tribunal Suprême.

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