Au Gabon, le putsch n’a pas un caractère anti-français marqué -média espagnol-

La France paie les conséquences de 70 ans d'interventionnisme en Afrique

Le Gabón rejoint le château de cartes des coups militaires en Afrique, mais celui-ci est différent, écrit El Confidencial. Un groupe de militaires renverse le président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans, et venant de remporter des élections présidentielles à la transparence douteuse.

Maintenant, précise le journal espagnol, le Gabon est le sixième pays d’Afrique subsaharienne à subir un coup d’État militaire. Après le Mali, le Burkina Faso, le Tchad, le Soudan et le Niger, c’est au tour du Gabon de subir un coup d’État orchestré par son armée. La prise de pouvoir par les militaires est attribuable à des raisons spécifiques au pays, dirigé depuis 55 ans par la dynastie présidentielle des Bongo, mais s’inscrit également dans la série de coups d’État qui secoue surtout l’Afrique francophone depuis 2021. Peu de temps après l’annonce des résultats des élections présidentielles, remportées une fois de plus par Ali Bongo, 64 ans, avec 64,27 % des voix, les militaires ont pris le pouvoir. Un groupe d’officiers a annoncé depuis Gabon 24, une chaîne de télévision installée dans le palais présidentiel même, que les élections « truquées » étaient annulées et que toutes les institutions de la république étaient dissoutes. « Nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime actuel », ont-ils conclu. Ce régime a commencé en décembre 1967 avec l’accession au pouvoir d’Omar Bongo, le père du président renversé.

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« Le président Ali Bongo est en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins », selon un communiqué lu peu après par les militaires membres du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), dirigé par le général Brice Oligui Nguema, chef de la Garde républicaine, l’élite de l’armée. Un de ses fils est détenu dans une installation militaire. Comme cela s’est déjà produit il y a un mois au Niger, des centaines de Gabonais sont descendus dans les rues de Libreville. Ils ont crié « Dehors Bongo ! » ou « La libération est arrivée ! », selon un journaliste de l’agence AFP. La grande différence entre le coup d’État du général nigérien Abdourahamane Tchiani et celui du Gabonais Oligui Nguema est que ce dernier n’a pas encore un caractère anti-français marqué. C’était le cas dans les coups d’État précédents au Mali et au Burkina Faso, où la France n’a plus d’ambassadeurs. Les Gabonais qui manifestaient n’ont pas non plus exprimé leur rejet envers l’ancienne puissance coloniale, si décriée dans la plupart des pays du Sahel.

Néanmoins, le coup d’État au palais est un revers de plus pour la France sur un continent où elle a été pendant des décennies la puissance étrangère la plus influente. « C’est un nouveau recul pour la France et son influence en Afrique », a souligné ce matin Seidik Abba, président du Centre International de Réflexion sur le Sahel, un petit groupe de réflexion, sur la station France-Info. « La contagion est préoccupante », a-t-il poursuivi. « C’est préoccupant pour la démocratie », a-t-il ajouté, bien que le Gabon, contrairement au Niger, était plutôt un régime autoritaire.

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La destitution d’Ali Bongo est également un revers pour le Maroc, dont le roi, Mohamed VI, entretenait une relation étroite avec le président gabonais. Ce dernier a subi une crise cardiaque et a choisi de passer une grande partie de sa convalescence à Rabat en 2018. « Le roi est mon frère, notre frère, car il s’est engagé envers moi », se souvenait Ali Bongo en avril. Il a été la seule personnalité étrangère à rencontrer le monarque alaouite au cours des 32 derniers mois. Le souverain possède également une résidence à Pointe-Denis, très proche de Libreville, où il passe souvent de longues périodes de vacances. À Rabat, on spécule sur une possible exil du président déchu au Maroc. Cependant, le nouveau homme fort du Gabon ne semble pas constituer une menace pour les investissements marocains dans le pays, estimés à au moins 600 millions d’euros, principalement dans le secteur bancaire, rivalisant avec ceux de la France (750 millions), concentrés dans le secteur pétrolier. Le général Oligui Nguema a étudié à l’Académie militaire royale de Meknès et est revenu des années plus tard au Maroc en tant qu’attaché militaire à l’ambassade de son pays.

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Bien que Oligui Nguema n’ait pas non plus lancé de proclamations contre la France, le coup qu’il dirige approfondira la réflexion à Paris sur les erreurs commises au cours des dernières années et sur la manière de redresser la situation. Cette analyse concernera l’ensemble de l’Union européenne, en particulier ses membres les plus méridionaux, car l’instabilité au Sahel, la persistance du djihadisme et la présence croissante de la Russie, jusqu’à présent par l’intermédiaire de Wagner, constituent une menace. Lors de son discours devant les ambassadeurs de France réunis à Paris lundi dernier, le président Emmanuel Macron a consacré une grande partie de son discours à l’Afrique. La politique africaine de la France est menée depuis l’Élysée et non depuis le ministère des Affaires étrangères. Il a exprimé son souhait de développer une relation « sans paternalisme ni faiblesse ». Il a cependant averti que la série de coups d’État entraînait « un risque d’affaiblissement de l’Occident et surtout de notre Europe ». Si l’on doit dater l’origine du malaise africain vis-à-vis de la France, ce serait peut-être en 2014, lorsque la France a lancé l’opération Barkhane pour lutter contre le djihadisme dans plusieurs pays de la région, en commençant par le Mali. Elle a duré huit ans et, bien qu’elle ait remporté des succès militaires sur le terrain, elle a « joué le rôle d’amplificateur du mécontentement », selon Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales.

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« Plus que tout autre pays, la France est exposée en Afrique en raison de sa présence militaire », a déclaré Frédéric Lejeal, auteur du livre « Le déclin franco-africain », dans l’hebdomadaire Le Point. « C’est la seule ancienne puissance coloniale qui surveille le territoire avec une série de bases, du Sénégal à Djibouti en passant par le Gabon, la Côte d’Ivoire et le Tchad », a-t-il ajouté. Au Gabon, elle ne compte que 350 soldats de ses forces spéciales. « Depuis l’indépendance, elle a mené 70 opérations ou interventions militaires sur le continent », a rappelé Lejeal. « Elle paie les conséquences de 70 ans d’interventionnisme en Afrique, d’ingérences politiques, parfois pour installer ou préserver des régimes autocratiques conformes à ses intérêts », a-t-il conclu. C’est pourquoi, lorsque des puissances comme la Russie, sans passé colonial, font leur entrée dans la région et se proposent de lutter contre le djihadisme, elles sont les bienvenues, même si elles financent leur présence en s’appropriant une partie des richesses naturelles des pays du Sahel. C’est ce que Macron a décrit comme « l’alliance baroque entre les pseudo-panafricanistes et les nouveaux impérialistes ».

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