Le Maroc évite de commenter la crise avec la France

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Le ministère marocain des Affaires étrangères ainsi que des responsables n’ont pas officiellement commenté la crise de près de deux ans avec la France.

La France a suggéré que la crise a éclaté après des allégations selon lesquelles le Maroc a espionné le président français Emmanuel Macron en utilisant un logiciel israélien. En retour, le Maroc attribue les critiques à l’opposition de la France à la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et à son penchant pour l’Algérie au détriment des intérêts marocains.

Pendant ce temps, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a évité de parler de la crise avec la France, il a reconnu l’existence d’une « crise de divergences » avec l’Union européenne sur les droits de l’homme il y a deux jours.

Toutefois, l’ancien Premier ministre marocain Abdelilah Benkirane a récemment décrit la France comme un « ennemi » qui craint l’expansion de Rabat en Afrique. « La France et l’Europe, qui étaient les amis du Maroc, sont devenues excessivement hostiles au Maroc », a-t-il déclaré en début de semaine lors d’un rassemblement du parti dans la ville de Fès.

Un signe majeur de la crise entre les deux pays est le maintien par la France de « restrictions injustes » à l’encontre des Marocains souhaitant obtenir un visa pour le pays européen.

La France a puni les pays du Maghreb arabe, dont l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, pour ne pas avoir coopéré à l’accueil des immigrants clandestins, en réduisant de moitié le nombre de demandes de visa qu’elle approuve. Les restrictions concernant les Tunisiens et les Algériens auraient été levées tandis que le dossier des visas marocains se poursuit.

En 2021, la France a rejeté en moyenne 35 % des demandes de visa présentées par des Marocains, y compris celles de fonctionnaires et d’anciens ministres.

Cependant, la véritable raison de cette crise entre le Maroc et la France semble être le scandale d’espionnage qui a visé le président français en personne. Le scandale Pegasus a éclaté en juillet 2021. Un consortium de médias internationaux avait alors pu avoir accès à une enquête de deux ONG mondiales, Amnesty International et Forbidden stories, faisant ressortir l’utilisation à large échelle du logiciel israélien Pegasus par le Maroc. « Jusqu’ici épargné par les travaux de la commission Pegasus, le Maroc sera à l’ordre du jour d’une réunion au Parlement européen », précise ainsi le média belge. « Il est important de mettre le sujet sur la table puisque la commission n’a pas parlé du Maroc jusque-là », a révélé encore une source au Soir. Un panel d’experts sera invité à discuter du cas marocain lors de la prochaine réunion de la commission chargée de l’affaire Pegasus, le 9 février, sur proposition des Verts, fait-on encore savoir.

Le 19 janvier, des experts ont présenté une étude intitulée « Pegasus et les relations extérieures de l’UE », à la commission d’enquête du Parlement européen chargée d’enquêter sur l’affaire d’utilisation du logiciel espion de fabrication israélienne et de logiciels de surveillance équivalent, dans laquelle le Maroc est impliqué. Dans cette étude, il est clairement indiqué que « les débats sur la pression exercée sur les gouvernements en rapport avec l’utilisation des logiciels espions ont été peu médiatisés ». « Lorsque le gouvernement marocain a été accusé d’utiliser Pegasus contre les politiciens espagnols, le gouvernement espagnol n’a pas réagi et n’a pris aucune mesure car il cherchait à maintenir une coopération renforcée sur l’immigration et en matière de contrôle des frontières avec le régime marocain », ajoute encore cette étude.

Le scandale de corruption qui a récemment éclaboussé le Parlement européen et dans lequel le Maroc est impliqué « a visiblement fait sauter quelques digues », souligne le journal belge, rappelant que « mi-janvier, les eurodéputés adoptaient pour la première fois en un quart de siècle une résolution qui critiquait le bilan des droits humains au Maroc ». L’adoption de cette résolution n’a pas été aisée. Des lobbies européens qui roulent pour le Makhzen ont tout fait pour étouffer l’affaire et pour que le Parlement européen ne condamne pas les pratiques marocaines en termes d’espionnage. La confirmation des faits par une enquête parlementaire devrait acculer davantage les autorités marocaines, sur le double plan judiciaire et politique. Et les faits seront très certainement confirmés.

Le Parlement européen avait dévoilé le 8 novembre dernier un rapport préliminaire sur l’utilisation de Pegasus et autres logiciels espions. Sans surprise, le rapport avait déjà accablé le Maroc. Rabat a toujours nié les accusations, mais les faits établis par l’enquête parlementaire européenne sont difficilement réfutables. Le rapport établi par une députée néerlandaise avait cité nommément les personnalités et parties ciblées. « Le Maroc semble être à l’origine de nombreuses attaques de journalistes et politiciens », avait conclu le rapport. Avant même la publication de la première mouture du rapport, le Maroc a fait l’objet de plusieurs dépôts de plainte devant les juridictions européennes.

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