Algérie : 2021, un annus horribilis

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Il reste un jour avant la fin de 2021 qui laissera plus de mauvais souvenirs que de bons. La pandémie et ses conséquences ont totalement déréglé le rythme habituel de la vie collective.

Le samedi 18 décembre 2021, au soir, une formidable explosion de joie a secoué toute l’Algérie et quelques capitales du monde, dont Paris. L’Équipe nationale A’ de football venait de remporter la coupe arabe à Doha en battant la Tunisie par deux buts à zéro face et ses supporters, d’ici et de l’étranger, sont sortis faire une fête qui frisait le délire. Au coup de sifflet final, le pays a été pris d’un accès de folie. Les scènes de liesses ont d’ailleurs pris au dépourvu les policiers qui tentaient vainement de contenir les foules.

Plus qu’une expression de bonheur, la manifestation ressemblait à une thérapie de groupe, à une séance d’exorcisation collective pour extirper un mal-être profond du fond de millions d’âmes. L’année qui tirait à sa fin a marqué les corps et les esprits. Le covid-19 s’est abattu sur eux comme une entité maléfique qui les a immobilisés sous ses griffes. Plus de voyages, plus de marques d’affection, distanciation sociale, couvre-feu et, pour certains, pertes d’emploi et de revenus. Elle a également bloqué plusieurs milliers de nationaux à l’étranger à cause de la fermeture des frontières et la suspension des liaisons aériennes.

L’année avait d’ailleurs débuté en l’absence du président de la république. Abdelmadjid Tebboune, qui avait contracté le coronavirus fin octobre, avait passé plusieurs semaines en Allemagne pour se soigner. Il est rentré au pays pendant 15 jours avant de repartir à Berlin terminer sa convalescence jusqu’en avril.

Pendant sa cure, une période d’incertitude, alimentée par des rumeurs, a paralysé les institutions et même la rue. La population vivait déjà très mal les restrictions imposées par la crise sanitaire et le retard pris en matière de vaccination. Elle craignait maintenant de faire un saut dans l’inconnu.

Perturbations de la distribution de l’eau et incendies

Ce coup au moral a été aggravé par les perturbations de la distribution de l’eau et son rationnement un jour sur deux au début de l’été. Le Hirak qui agissait comme une soupape d’échappement a été également interdit par les autorités qui ont déployé un impressionnant dispositif de sécurité afin de faire rentrer les protestataires à la maison. Les élections législatives du 12 juin devaient sonner le glas du mouvement. S’adaptant rapidement à la situation, les pouvoirs publics ont mis en place une stratégie pour le démanteler. En moins de deux semaines et à travers une gigantesque démonstration de force qui n’a fait aucun mort, ils ont réussi à éteindre la contestation. Parallèlement, une communication savamment menée a pointé du doigt deux organisations clandestines, le Mak et Rachad, comme les véritables meneurs de la contestation. Celles-ci ont été inscrites plus tard sur la liste des groupes terroristes et combattues désormais par le biais d’une loi spéciale.

D’ailleurs, les deux formations ont été mises à l’index par les autorités dans les incendies qui ont ravagé plusieurs forêts du nord du pays, particulièrement dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Ce sinistre qui a provoqué la mort de plusieurs dizaines de personnes a été un moment très pénible pour tous les Algériens. Ces événements ont connu leur paroxysme avec le lynchage atroce par une foule en furie de Djamel Bensmaïl, un jeune artiste qui s’était porté volontaire aux opérations de lutte contre les feux.

Non encore remis de ces fortes émotions, la population a vécu l’expérience traumatisante du variant Delta et de la troisième vague de la pandémie qui a été particulièrement meurtrière. Sous-équipées et désorganisées, les structures sanitaires ont craqué face à l’afflux massif des malades qui arrivaient par contingents.

D’autre part, la pénurie d’oxygène et la spéculation immorale qu’elle a engendrée ont profondément choqué et dégoûté les citoyens qui ne comprenaient pas comment la voracité mercantile a pu atteindre de tels sommets.

L’année 2022 s’annonce sous de meilleurs auspices puisque les recettes extérieures du pays se sont améliorées grâce à l’appréciation des hydrocarbures sur les marchés mondiaux. L’embellie pourra peut-être desserrer l’étau de l’appauvrissement rapide qui affecte depuis quelque temps de larges pans de la société. La quatrième vague de covid-19 n’a pas encore eu lieu bien que les chiffres des contaminations soient en augmentation. Mais, si l’on croit le ministère de la Santé, l’Algérie est mieux outillée pour y faire face, même si une grande partie de la population refuse de se faire vacciner.

La sélection nationale de Djamel Belmadi, que la vox populi a surnommé le ministre du bonheur, qui tentera à partir de 9 janvier de défendre son titre de champion d’Afrique et, probablement, décrocher un troisième, s’annonce comme la promesse de bons moments.

Cela dit, les souhaits de la bonne année seront émis le 31 janvier avec des bémols, pour ne pas dire sarcasme, puisque ceux qui ont été partagés 12 mois plus tôt n’ont pas été exaucés.

Mohamed Badaoui

La Nation, 29/12/2021

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