Maroc: Voilà pourquoi la DST espionnait le beau-père du roi

Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri,

A l’occasion de l’affaire d’espionnage concernant le beau-père du roi du Maroc, nous reproduisons ci-après un article du défunt site Demain online.

Ténébreuse affaire sous les palmiers ensoleillés de Marrakech

Mohamed Mediouri, ex-puissant, et très craint, directeur du Département de sécurité royale (DSR, ancêtre de l’actuelle Direction de la sécurité des palais royaux, DSPR), du temps du tyran Hassan II, a dénoncé à la police de Marrakech, une « tentative d’assassinat ».

Selon le site « Le360 », mégaphone officieux de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), qui lui refile de temps à autre des PV de police et même des fiches de renseignements de la police des frontières (voir affaire Jean-Louis Pérez et Pierre Chautard), Mediouri, aurait été agressé par un groupe de personnes dont l’une portait une arme de poing.

Remarquons au passage la forme de la rédaction de l’article de ce site qui appartient à des hommes de paille de Mohamed Mounir Majidi, le secrétaire particulier du roi Mohamed 6. On dirait un document administratif rédigé par un fonctionnaire et non pas un papier de journal.

En fait, cette ténébreuse affaire comporte deux volets.

Des questions et quelques certitudes recoupées et jamais démenties par le Palais royal.

Premier volet, les questions.

A. Pourquoi Mohamed Mediouri se fait-il remarquer de la sorte à Marrakech, alors qu’il est banni de la vie publique et des médias marocains ?

On savait qu’il vivait entre Neuilly, Versailles et Marrakech, sa ville natale. Mais on savait aussi qu’on lui avait conseillé en haut lieu, il y a presque vingt ans, de rester très discret.

Le fait qu’il décide de porter plainte au lieu de contacter discrètement la DGSN ou le Palais royal en dit long sur ses craintes, réelles ou supposées, de se faire occire.

B. Comment Mohamed Mediouri, alias « Haj Mediouri », a pu échapper, « miraculeusement » dit-il, à une « tentative d’assassinat » à son âge, 81 piges, et dans un Etat policier qui a le monopole du crime d’Etat et où le port d’armes est quasiment inexistant ?

Et si c’était un coup de semonce à l’attention d’un détenteur de secrets intimes er ravageurs du Palais royal ? Le fait que « Le360 », propriété d’un membre de l’entourage royal et proche des milieux policiers, soit le premier média marocain à ébruiter cette affaire est assez révélateur.

C. Pourquoi aucun média marocain, mais vraiment aucun, n’explique à ses lecteurs qui est réellement « Haj Mediouri », au-delà de sa condition d’ex »bodyguard » de Hassan II ?

Quelle est la raison de cette étrange épidémie de mutisme ?

Ce qui nous amène au second volet : les certitudes recoupées et publiées, et qui sont à la portée (articles, livres, net, data, etc.) de tous les journalistes marocains dont la mission est d’informer correctement (je ne dis pas honnêtement, nuance !) leurs lecteurs.

A. Avant tout, qui est vraiment Mohamed Mediouri ?

Cet ancien inspecteur de police qui excellait dans le tir et la boxe, avait été recruté et adoubé par Hassan II, qui en a fait son homme de confiance au Palais royal.

Il était tellement proche de Hassan II, et de sa famille, que le tyran l’a nommé, alors qu’il n’avait aucune qualité pour occuper ces fonctions, premièrement président du Kawkab Athlétique Club de Marrakech (KACM) entre 1984 et 2002, équipe de première division de football, puis président de la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA), qu’il dirigea entre 1993 et 2001.

Pourquoi de tels honneurs concédés à un gros bras, un maton ?

Selon le livre de l’ex-journaliste du quotidien français « Le Monde » Jean-Pierre Tuquoi (« Le dernier roi », Grasset, 2001), c’est Mediouri qui a été chargé par Hassan II, en 1983, de torturer et d’assassiner Ahmed Dlimi, le général qui préparait probablement un coup d’Etat contre le dictateur alaouite.

Dlimi aurait également été liquidé pour une autre raison. Selon Tuquoi, le général aurait découvert que le fidèle Mediouri était « l’amant » de « Lalla Latifa », l’épouse de Hassan II et « mère des princes ».

A l’étranger, une affaire de jupons dans les alcôves du pouvoir reste cantonnée dans la presse sensationnaliste. Au Maroc, pays régi par une « commanderie des croyants » sensée réglementer la vie religieuse du pays, une pareille intrigue libertine prend des dimensions cataclysmiques.

Et puis, remarquez le tempo !

1983 : assassinat du général Dlimi par Mediouri

1984 : nomination de Mediouri à la tête du KACM

Une coïncidence ? Peut-être, mais elle est troublante. D’autant plus que Mediouri sera nommé par la suite, en 1993, président de la Fédération royale marocaine d’athlétisme, poste qu’il gardera jusqu’en 2001.

B. Quand j’ai révélé dans le quotidien espagnol « El Mundo », en février 2006, que « Lalla Latifa » avait été consignée dans un palais par M6 pour faire cesser sa liaison avec Mediouri, tous les exemplaires de ce numéro furent interdits de circulation au Maroc. Avec en prime, une sévère et écrite mise en garde envoyée au journal par l’une des directrices du ministère de la communication, et future députée du PAM (parti créé par un ami et conseiller du roi), Mme Fatiha Layadi. Une attaque directe rare.

C. Pourtant, quelques semaines plus tard, l’ancien ministre de l’intérieur de Hassan II, Driss Basri, m’informa dans son appartement d’exilé parisien, que « Haj Mediouri » s’était marié avec l’une des veuves de Hassan II, qui se trouvait être, comme par hasard « Lalla Latifa ». Basri rajouta que le couple résidait à quelques encablures de chez lui, sans me préciser si c’était intra ou extra-muros.

Sauf pour un seul, Basri me confirma point par point toutes les informations publiées dans « El Mundo ». Il certifia même, exhibant un inhabituel sourire alors qu’il était gravement malade, entretenir de bonnes et amicales relations autant avec le frère du roi et fils de « Lalla Latifa », « Moulay Rachid », qu’avec la propre « mère des princes » et son mari, « Haj Mediouri ».

Une sombre affaire donc que cette « tentative d’assassinat » d’un ancien du sérail.

En guise de conclusion, pour clore ce chapitre, ne perdons pas la foi et n’oublions pas une règle non écrite de la police marocaine qui veut qu’un crime commis contre une personnalité étrangère ou marocaine sur le sol national soit résolu dans les 48 h. C’est seulement passé ce délai qu’on peut spéculer sur l’implication de l’Etat profond.

Donc, ne soyons pas grognons et laissons à notre efficace police nationale, renforcée par la non moins efficiente police politique (DST), le temps de nous prouver que c’est une simple et crapuleuse affaire de droit commun.

Demain Online, 19 mai 2019

Etiquettes : Maroc, Mohamed Mediouri, Mohammed VI, Hassan II, Lalla Latifa,

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