Les médias français ferment les yeux sur la répression au Maroc et veillent sur le trône

Le soulèvement populaire dans le Rif et la répression féroce que lui oppose le régime de Mohammed VI sont un sujet qui occupe les unes des médias internationaux, sauf en France, où on constate que les médias ne semblent pas s’investir pleinement dans leur mission d’informer à ce sujet, donnant l’impression d’opérer un black-out sur le soulèvement rifain. Donneurs de leçons lors de la lutte contre le terrorisme qu’a livrée l’Algérie seule, les médias français, qui ouvraient systématiquement leurs journaux télévisés sur les événements terroristes en Algérie, semblent chercher des compromis dans la crise rifaine pour sauvegarder une monarchie où tout Français, quels que soient son statut et sa catégorie sociale, est traité en privilégié, au nom d’un protectionnisme historique.
En effet, les événements du Rif ne font pas les choux gras de la presse française et des plateaux de télévision de l’Hexagone, non parce que le sujet n’est pas intéressant, dès lors que les Marocains constituent une communauté importante en France, mais parce que les intérêts trop étroits entre Paris et Rabat semblent imposer la discrétion médiatique française à ce sujet.
Les titres des articles et reportages télévisés consacrés à la contestation dans le Rif marocain témoignent de la vigilance, voire d’orientations précises données aux médias français dans le traitement de ce sujet, à l’instar de TV5Monde, une chaîne très regardée dans la région du Maghreb, qui titre : «Au Maroc, le Rif ne décolère pas», ou encore du Figaro qui écrit : «Dans le Rif marocain, la colère ne s’éteint pas». Dans ces deux reportages, on focalise sur les revendications socioéconomiques pour suggérer que le mouvement ne pose pas un problème fondamentalement politique. C’est à peine si ces médias évoquent le caractère frondeur de cette région du Maroc déshéritée en raison de son irrédentisme et de son aversion au régime monarchiste. Ce sont des aspects que la presse française fait mine d’occulter pour ne pas provoquer le courroux de sa majesté le roi.
Lorsque des médias français osent poser les vraies questions que soulève la protestation populaire rifaine, c’est pour y répondre à la place des concernés eux-mêmes. Tel est le cas de cet article de RFI daté du 31 mai, dans lequel le média français s’interroge : «Maroc : d’où vient le mouvement Hirak qui proteste à Al-Hoceïma ?» Au lieu d’interroger les concernés, le média s’empresse de répondre à leur place : «Les protestataires se défendent, par ailleurs, des accusations qui émanent des voix officielles, accusant le mouvement de cette région berbérophone d’être financé par l’étranger ou encore d’avoir des vues séparatistes par rapport au pouvoir central.» L’article ne cite pas qui se défend de ces accusations, alors que le mouvement de protestation au Rif semble avoir atteint un point de non-retour et que la région qui fait appel à son passé rebelle et libre cherche sa voie pour sortir du régime carcéral que lui impose la monarchie alaouite.
Ramdane Yacine

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