Union africaine : Le Maroc annonce son retour

Au sein de lUnion africaine, les semaines et les mois à venir vont certainement être plus intéressants à suivre que dordinaire. A lorigine de ce regain dintérêt pour lorganisation panafricaine, lannonce du Maroc de vouloir la réintégrer après un divorce qui a duré 32 ans.
Dimanche dernier, en effet, le roi Mohammed VI a annoncé que le moment était «arrivé» pour que son pays retrouve sa «place naturelle» au sein de lUnion, qu’il avait quittée en 1984 au lendemain de la reconnaissance par les Etats membres de la RASD. Un tournant, donc, qui peut expliquer en grande partie pourquoi de hauts responsables marocains se sont déplacés à Alger vendredi et samedi derniers, une initiative destinée à informer lAlgérie, un pays voisin et un acteur clé de lUnion africaine, du contenu de ce qua annoncé avant-hier, officiellement, le souverain marocain. 
Selon le politologue Ahmed Mizab, le Maroc est tenu de déposer une demande dadmission au sein de lorganisation panafricaine, techniquement, ajoute le politologue, une demande dadmission dans les rangs de lorganisation africaine transite par le biais de la Commission de lUA, laquelle se chargera de la transmettre aux 54 Etats membres. Cette procédure est régie par les textes constitutifs de lUA, et entrés en vigueur depuis ce quon appelle l«acte constitutif de Lomé» en juillet 2000 (deux ans avant la création effective de lUA). Ce sera, a-t-il dit, une formalité mais qui naboutira pas obligatoirement lors du sommet de Kigali qui sest terminé hier.
La «conférence», organe suprême de lUA, se réunit deux fois par an, une fois au siège à Addis-Abeba et une seconde fois dans un pays membre, rappelle-t-on. Elle est composée des chefs dEtat et de gouvernement, prend ses décisions par consensus ou, à défaut, à la majorité des deux tiers de ses Etats membres. Cependant, des décisions telles que les demandes dadhésion sont prises à la majorité simple ; ce qui équivaut à un quitus de 28 membres sur les 54 que compte lUnion africaine.
En attendant davoir de nouvelles indications à ce sujet, ce retour dans le giron de lUnion africaine est, pour Rabat, stratégiquement calculé. Il répond au choix de porter la confrontation avec les indépendantistes sahraouis sur le terrain de lUnion panafricaine et non plus seulement à lONU. Ce choix est certainement soutenu par tous les pays avec lesquels le Maroc entretient depuis plus de trois décennies au moins dimportants échanges économiques et commerciaux, lesquels échanges ont pris durant ces dernières années un élan considérable, porté notamment par le monde des affaires, le secteur bancaire, la téléphonie et les services&
Le roi Mohamed VI le dit, en tout cas. «Cela fait longtemps que nos amis nous demandent de revenir parmi eux, pour que le Maroc retrouve sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle. Ce moment est donc arrivé», a-t-il affirmé dans sa déclaration, avant-hier. Qui sont ces amis ? Les Etats de la communauté économique de lAfrique de lOuest, la Cédéao, auprès desquels le Maroc dispose dune belle audience, notamment en Côte-dIvoire et au Sénégal. Toutefois, à suivre lévolution de laction diplomatique du royaume depuis 2015 et qui sest accélérée depuis le début de lannée 2016, on constate quil cherche un rapprochement avec les états anglophones du continent. 
Ces partenaires du royaume, selon les observateurs, vont satteler à un jeu de coulisses et de lobbying pour faire de son retour au sein de lUA un puissant moyen de pression face à la RASD considérée comme Etat membre depuis 1984 grâce au soutien de plusieurs Africains à la tête desquels lAlgérie. Le moment semble dailleurs bien choisi puisque la Commission de lUA va connaître des changements en janvier prochain après que les Etats membres naient pas réussi, hier, (lire article), à voter pour désigner le successeur de Mme Dlamini-Zuma, la présidente sortante, qui est restée depuis le temps quelle occupe ce poste, de 2012 à nos jours, intraitable sur la question de la décolonisation du Sahara occidental. 
Son discours dadieu, il y a quelques semaines, a été un réquisitoire contre les Etats membres qui se sont montrés frileux sur ce dossier et nont pas suffisamment bougé, selon elle, pour défendre la cause des Sahraouis, le droit à lautodétermination étant parmi les éléments fondateurs de lancêtre de lUA, lOUA, en 1963. 
Si le retour du Maroc au sein de lUnion nest quaux formalité, la manière dont il va chercher à se confronter à la RASD, qui na pas encore réagi publiquement aux déclarations du roi Mohamed VI, des déclarations suffisamment intempestives pour quon ne les soupçonne pas dêtre destinées à une consommation interne, dépendra de la capacité des parties en conflit à faire entendre leurs thèses au milieu dun concert africain certainement partagé. 
Dun côté, un camp qui ne transige pas avec les fondamentaux de lUnion panafricaine, mené par lAlgérie et lAfrique du Sud aux yeux desquels le Sahara occidental est une affaire de décolonisation. Dun autre, des pays franchement hostiles aux indépendantistes sahraouis ou affichant une neutralité qui sert les intérêts du Maroc. 
On saisit dès lors lenjeu du vote qui aura à désigner en janvier prochain le remplaçant de Dlamini-Zuma. «Un candidat issu des pays dAfrique australe, glissait hier pour Reporters un observateur, serait bien vu par Alger. On devine pourquoi.» 

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