La Stratégie de Blaise Compaoré, pour échapper à la justice Burkinabè dans laffaire Thomas Sankara

Thomas Sankara et son assassin, Blaise Compaoré
« Blaise Compaoré est naturalisé Ivoirien ». La nouvelle est tombée comme un couperet. Soupçonné davoir commandité lassassinat de son prédécesseur Thomas Sankara en 1987, Compaoré, poursuivi au Burkina, vient ainsi de sortir son joker. Devenu Ivoirien, il échappe à la justice de son pays dorigine qui ne pourra plus le juger ni le punir pour son rôle supposé dans les crimes de sang qui ont précédé, accompagné et suivi son long règne. Une douleur supplémentaire pour les familles des victimes qui rêvaient de justice !
Thomas Sankara a rendu lâme le jeudi 15 octobre 1987. Aujourdhui, près de trois décennies plus tard, lémotion est toujours forte. La douleur habite encore les cSurs. Tous ceux qui ont été marqués par les discours courageux et les actions humanistes de Sankara vivent dans lespoir de connaître la vérité sur son assassinat et surtout de voir les auteurs et commanditaires enfin connus et punis. Cette attente, Mariam, la veuve de Sankara lexprime dans linterview que nous retranscrivons ci-dessous :
Je demande toujours la justice. Je me suis toujours battue pour que justice soit rendue à Thomas Sankara. Je veux simplement que la vérité soit dite sur la mort de mon mari. Il faut que lon sache la vérité. Au moment où on parle de dialogue, de vérité et de réconciliation dans mon pays, je pense que la vérité peut permettre darriver à la réconciliation nationale.
Les autorités burkinabè avaient menti sur son certificat de décès en déclarant que Sankara avait été victime de « mort naturelle » alors que son corps était criblé de balles et sa famille a fini par accepter le fait accompli. La grande attente se résumait désormais à deux mots : Justice et Vérité. Qui a fait quoi et pourquoi en cette triste journée du 15 octobre 1987 ?
Le message est clair. La justice burkinabè qui avait lancé un mandat darrêt contre Compaoré pour « attentat contre la sûreté de lEtat, complicité dassassinat et complicité de recel de cadavre » doit sarmer de patience.Ce suspect dun genre particulier ne se présentera pas devant les juges. En dautres termes, Blaise Compaoré, aidé par son ami et mentor Alassane Ouattara, reste fidèle à sa stratégie : refuser de se présenter devant les juges pour répondre de lassassinat de son ami Sankara que lopinion lui attribue. Pourquoi ne pas se mettre à la disposition de la Justice sil na rien à se reprocher ?
Au moment où les autorités burkinabées attendaient toujours lexécution dun mandat darrêt internationalémis le 21 décembre 2015 à lencontre de lancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, Abidjan a adressé une réponse diplomatique à Ouagadougou. Le président Alassane Ouattara a accordé la nationalité ivoirienne à son hôte, recherché pour son implication présumée dans la mort de lancien chef dEtat burkinabé Thomas Sankara, tué avec douze de ses compagnons le 15 octobre 1987.
La décision dAlassane Ouattara, diffusée dans les médias ivoiriens le 22 février, fait écho à sa déclaration du 15 janvier 2016 : « Comme la France, la Côte dIvoire nextrade pas ses nationaux. »
Il sagissait dune des réponses adressées à la justice du Burkina, qui a aussi émis un mandat darrêt à lencontre du numéro deux ivoirien Guillaume Soro, accusé dêtre impliqué dans laffaire des écoutes téléphoniques avec lancien chef de la diplomatie burkinabée, Djibril Bassolé.
« Cest une décision souveraine qui a été prise. Elle ne va rien induire. Il [Blaise Compaoré] est Ivoirien, un point un trait. Je ne pense pas quil y ait lieu de faire un commentaire outre que de constater », a soutenu en conférence de presse le 24 février, la porte-parole du gouvernement, Affoussiata Bamba-Lamine, au sortir dun conseil des ministres.
A Abidjan, cette sortie de la ministre de la communication a été peu appréciée, qualifiée de « maladroite » par une partie de la classe politique. Mais on ne digère surtout pas que la décision de naturalisation nait été inscrite au Journal officiel de la République de Côte dIvoire que le 18 janvier 2016, alors que le document avait déjà été signé le 17 novembre 2014, soit deux semaines environ après la chute de Compaoré et sa fuite vers la Côte dIvoire.
« Cest une incurie politique. Il est impossible que quelquun ait officié aux plus hautes fonctions de son pays pendant 27 ans, et soit brusquement absous de ses responsabilités [par le déni de] la nationalité du pays quil a présidé », a vivement réagi au Monde Afrique Michel Séri Gouagnon, secrétaire national chargé des droits et des libertés au Front populaire ivoirien (FPI, opposition).
Sil assure que la naturalisation est un acte entre un Etat et un individu, Séri soutient quune procédure est à engager et un délai à respecter :
« Nayant pas obéi à la procédure et aux textes, cette naturalisation est illégale. Mais nous comprenons que la vraie raison de cette naturalisation est de faire échec à son extradition. En même temps, cest un aveu des crimes qui lui sont reprochés. »

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*