On torture à Rabat, on décore à Paris

Photo : Jamal Morchidi/Anadolu Agency
Lors de sa visite à Rabat, le ministre de lIntérieur, Bernard Cazeneuve (avec son homologue marocain, Mohamed Hassad), a annoncé la « nouvelle ».
Le gouvernement va faire officier de la Légion dhonneur le chef (des renseignements marocains, poursuivi par la justice française…
«Le roi est mon ami./» Et il le restera, peut-on ajouter, confirmant ainsi le bien-fondé de louvrage de Gilles Perrault, qui, en son temps, avait osé critiquer la complicité de la France avec la monarchie marocaine dHassan II, pourtant accusée de violation des droits de lhomme. Les années passent, et la diplomatie française reste fidèle à elle-même et au royaume alaouite. En visite officielle au Maroc, le ministre de lIntérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé, samedi, que le chef de la direction générale de la surveillance du territoire (DGS), Abdellatif Hammouchi, se verra décerner le titre dofficier de lordre de la Légion dhonneur. En 2011, déjà, le chef des services de renseignements marocains avait été décoré du titre de chevalier. Quels services Abdellatif Hammouchi a-t-il rendus à la France ? Au Quai dOrsay comme à lÉlysée, personne nignore que le patron du contre-espionnage marocain est poursuivi pour des cas de torture par la justice& française. Personne, et encore moins Bernard Cazeneuve. Il y a tout juste un an, le chef de la DGS était à Paris, à titre personnel. La justice veut alors lentendre. En vain. Mais Rabat, ulcéré que lon puisse atteindre par personne interposée à son «/intégrité/», selon lexpression chère aux dignitaires du régime, décide de suspendre ses accords bilatéraux en matière judiciaire, en signe de représailles.
LA JUSTICE VEUT ENTENDRE (LE CHEF DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS MAROCAINS
À lépoque, la presse inféodée à Sa Majesté le roi traîne lAcat dans la boue au titre que cette ONG chrétienne, reconnue pour sa lutte contre la torture et la peine de mort, est à lorigine des plaintes déposées contre Abdellatif Hammouchi. En 2012, en effet, lassociation est interpellée par la famille dAdil Lamtalsi, un Franco-Marocain détenu quatre plus tôt, puis transféré dans un centre de détention secret géré par la DGS, où il subit des sévices jusquà ce quil signe des aveux. Il est condamné à dix ans demprisonnement pour trafic de stupéfiants. En 2013, une plainte pour torture est déposée au tribunal de grande instance de Paris. Autre affaire, celle de Naâma Asfari, un Sahraoui de nationalité marocaine qui milite pour les droits de lhomme et lautodétermination du Sahara occidental, toujours illégalement occupé par le Maroc. En novembre/2010, juste avant le démantèlement du célèbre camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik, il est arrêté, roué de coups et torturé pendant plusieurs jours par des policiers, des gendarmes et des agents des renseignements généraux et de la DGS. En février/2013, il est condamné à trente ans demprisonnement par un tribunal militaire sur la base daveux arrachés sous la violence. LAcat porte plainte contre le Maroc, le 20/février/2014, devant le comité contre la torture des Nations unies et la justice française. Ces deux affaires, les instances de lÉtat français les connaissent. « Nous faisons face aux mêmes défis, celui des filiales terroristes qui entraînent certains de nos ressortissants vers les rangs de Daesh en Syrie et en Irak/», a déclaré Bernard Cazeneuve lors de sa visite au Maroc, en se félicitant de la reprise des accords entre les deux pays. Personne ne doute des nécessaires coopérations judiciaires à développer en la matière, mais de là à décorer un personnage à la tête de sinistres individus, il y a un monde, dans lequel les autorités françaises se sont royalement vautrées. «/Nous nous étonnons que la France puisse décorer une personne visée pour tortures et faisant lobjet denquêtes judiciaires en France. Vu le contexte, cest une des contreparties de la France. Cest un geste destiné à laver le prétendu affront que la justice française aurait osé faire à monsieur Hammouchi en le convoquant pour lentendre dans le cadre dune procédure judiciaire conforme au droit français. La justice a fait son travail en toute indépendance/», rappelle Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb et Moyen-Orient à lAcat.
Paris nignore pas non plus quau moment même où il rétablissait sa coopération judiciaire avec le Maroc, ce dernier portait plainte contre cette ONG pour «/diffamation, outrage envers les corps constitués, utilisation de manSuvre et de fraude pour inciter à faire de faux témoignages, complicité et injure publique/». «/Dans ce contexte où lAcat et les victimes quelle représente sont attaquées de façon directe, ou au travers de diffamations dans les médias marocains qui ne sont pas réputés pour leur indépendance, la décoration d Hammouchi est le signe que la France entend faire prévaloir ses intérêts diplomatiques sur ceux des victimes de torture, parmi lesquelles se trouvent des victimes françaises/», confirme Hélène Legeay. Intérêts diplomatiques mais également économiques, au nom desquels cette même diplomatie française sest rapprochée de régimes peu fréquentables. Dimanche, une quarantaine dindividus munis de barres de fer ont forcé brutalement les locaux de lAssociation marocaine des droits de lhomme (AMDH), où se trouvaient deux journalistes français. Coups, insultes contre les personnes présentes, dont une a été hospitalisée. Les deux professionnels ont été arrêtés. «/Les autorités (…) ont refusé de présenter, de manière formelle, toute décision leur permettant de fouiller le local ou de procéder à des confiscations ; elles ont plutôt choisi de recourir à la force illégale pour (l)envahir délibérément/», dénonce lAMDH.
Limpunité est reine en son royaume et lÉtat français fait allégeance.
http://fdg-gretz.blogspot.com.es/2015/02/on-torture-rabat-on-decore-paris.html

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*