Maroc – Algérie : La politique des petits pas

Alger et Rabat passent à la vitesse supérieure dans leurs relations économiques. Après une longue période de flottement, les deux pays semblent renouveler les contacts politiques à plusieurs niveaux. «Un nouveau climat positif», a déclaré dernièrement Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères. Rachid Benaïssa, ministre de l’Agriculture, est au Maroc pour une visite de travail de cinq jours. Une visite particulièrement longue pour souligner une volonté de «passer à autre chose» dans les rapports, souvent tendus, entre l’Algérie et le Maroc.

Selon l’agence Maghreb arabe presse (MAP), M. Benaïssa a indiqué que sa visite dans le royaume vise à promouvoir la coopération bilatérale dans le domaine agricole «pour assurer la sécurité alimentaire dans les deux pays à travers un partenariat basé sur l’échange d’expériences». Les deux pays viennent de signer un accord de coopération agricole dans les domaines de la vulgarisation scientifique, du développement de la production, de la lutte contre la désertification et d’échanges commerciaux.
A Meknès, l’Algérie est présente, pour la deuxième fois consécutive, au 6e Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM). Selon l’agence APS, le roi Mohammed VI a visité le stand de l’Algérie où il a été reçu par Rachid Benaïssa. «Le roi du Maroc s’est notamment intéressé aux différents produits algériens de plusieurs filières exposés et de plus amples explications lui ont été fournies par les professionnels de diverses filières sur le label algérien», a rapporté l’APS. L’Algérie est représentée au SIAM par une quarantaine d’opérateurs publics et privés.

Avant Rachid Benaïssa, Abdelmalek Sellal, ministre des Ressources en eau, et El Hachemi Djiar, ministre de la Jeunesse et des Sports, se sont rendus au Maroc en visite officielle. L’homologue marocain d’El Hachemi Djiar, Moncef Belkhayata, a fait un déplacement à Alger début mars 2011. Il avait été précédé par Amina Benkhadra, ministre marocaine de l’Energie et de l’Eau, reçue fin février dernier. Ses discussions ont, entre autres, porté sur le renforcement des relations de coopération entre l’Algérie et le Maroc dans les domaines de l’énergie, des mines, de l’électricité et des énergies renouvelables. Alger et Rabat ont signé un mémorandum de coopération dans le secteur des ressources en eau et convenu de créer, à terme, un marché maghrébin de l’électricité avec la perspective de sa connexion à l’Europe.

Youcef Yousfi, ministre algérien de l’Energie et des Mines, a laissé entendre que l’Algérie pourrait approvisionner le Maroc en gaz naturel à partir des champs de Hassi R’mel. Il a évoqué l’élaboration future d’études techniques pour concrétiser le projet.
«Nous devons remettre sur le tapis la coopération dans les secteurs les plus sensibles, les secteurs humains. C’est-à-dire l’éducation et l’agriculture. Dans le domaine agricole, nous avons traditionnellement une coopération importante avec le Maroc. Il y a aussi le secteur de l’énergie. Il faut faire évoluer les choses. Et cette évolution finira un jour, sans dire comment et quand, par donner à la qualité des relations entre nos deux pays le niveau que nous souhaitons en Algérie», a déclaré Mourad Medelci, lors d’un entretien accordé à la Chaîne III de la radio d’Etat. Une manière à lui de clarifier la démarche en cours marquée par une accélération des atomes. Il a indiqué que l’évolution de la coopération peut avoir une influence sur la décision d’ouverture des frontières. «Nous n’avons jamais exclu de rouvrir les frontières avec le Maroc. Cela sera dans la nature des choses», a-t-il soutenu. «Il faut ouvrir ces frontières, mais avant, il faut créer les conditions nécessaires. Lorsque la décision sera prise, elle sera appliquée d’une manière honnête et équilibrée, dans l’intérêt des deux parties», a précisé le chef de la diplomatie algérienne dans une autre interview accordée au quotidien Echourouk. Des investisseurs européens, notamment français, ont exprimé leur intérêt pour l’achat de terrains dans le Maroc oriental, non loin de la frontière avec l’Algérie. La perspective de l’ouverture avec l’intensification des échanges commerciaux et la reprise de l’activité touristique sont perçues comme une opportunité en or pour les hommes d’affaires. Idem pour l’achèvement de l’autoroute Est-Ouest qui relie la frontière du Maroc à celle de la Tunisie.

En visite à Tlemcen, le 16 avril, le président Abdelaziz Bouteflika a déclaré : «Il n’y a pas de problème entre le Maroc et l’Algérie.» «Le problème du Sahara occidental est un problème onusien. Le Maroc est un pays voisin et frère», a-t-il déclaré. Bouteflika a, de la sorte, rompu un long silence sur les relations avec le Maroc. Le message a été vite reçu à Rabat. «Nous considérons que ce sont de bons propos», a déclaré Khaled Naciri, porte-parole du gouvernement marocain. «Cela mérite d’être traduit sur le terrain», a-t-il ajouté, suggérant que l’ouverture des frontières serait un pas concret.
Les observateurs n’ont pas omis de remarquer que l’équipe marocaine de football, qui a joué face à son homologue algérienne un match qualificatif à la Coupe d’Afrique 2012 à Annaba le 27 mars dernier, a été chaleureusement accueillie par les autorités algériennes.
Il est évident que la conjoncture internationale a changé avec l’effondrement des dictatures en Tunisie et en Egypte, et bientôt au Yémen et en Libye. Les révoltes arabes sont en train d’amener les diplomaties régionales à sortir de leur cercle fermé. Les Etats-Unis, qui suivent de très près l’évolution de la situation politique au Maghreb, ont encouragé Rabat et Alger à se rapprocher, peut-être même à revoir des principes qui étaient perçus jusque-là comme rigides.

A Washington, où l’on considère que les réformes politiques engagées au Maroc sont plus rapides et plus concrètes que celles évoquées à Alger, on estime désormais que l’idée d’un Maghreb figé n’est plus recevable pour des raisons géostratégiques sous-entendant des impératifs sécuritaires. Et on relève que les lignes s’activent plus vite que les doctrines diplomatiques. A charge aux Etats de la région de comprendre la portée d’un tel repositionnement qui sera suivi par un plan d’action.
Un plan qui ira au-delà de la simple «réactivation» de l’Union du Maghreb arabe (UMA), condamnée désormais à prendre en charge les aspirations démocratiques des peuples de la région ou… disparaître.
Fayçal Métaoui

El Watan, 28/04/2011

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