Maroc : la diplomatie autrement

C’est l’histoire d’un roi qui s’est attribué, lui-même, une image populiste au début de son règne. Roi souriant, qui conduisait seul au volant de sa 4×4, qui s’arrête sporadiquement pour faire des achats dans une boutique … au contact des gens simples. Qui même serre d’ici ou là des mains. Maintenant les autorités cherchent à le rendre distant, toute approche est suivie de code pénal.
Le « Riche Roi des Pauvres » était censé faire entrer son pays dans la modernité, et c’est raté. La « première cause nationale » a bousculé toutes les prévisions. Diaboliser le Polisario n’a rien donné. Bush a disparu de la scène et les Etats-Unis ont une approche différente du conflit du Sahara Occidental. Le pays a été condamné par les ONG’s internationales pour violation des droits de l’homme. L’ONU reprend en charge le dossier sahraoui.
Sur la scène internationale, le Maroc est isolé à cause de sa politique colonialiste. Les seuls pays qui soutiennent les thèses marocaines ont été dessinés par l’hebdomadaire marocain Tel Quel : »Le Matin du Sahara l’a claironné haut et fort : “Le roi du Swaziland Mswati III a réaffirmé devant l’Assemblée générale de l’ONU son soutien au Maroc dans le conflit du Sahara”. Merci, c’est très gentil de sa part, mais… c’est quoi ce pays au juste ? Un petit tour sur Google, et on apprend que l’espérance de vie des Swazilandais est la plus faible au monde (32 ans en 2009), et que les deux tiers d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Politiquement, ça vaut aussi le détour : c’est simple, Mswati III a interdit tous les partis politiques de son pays. Les chefs d’Etat comme ça, quand ils prennent la parole à l’ONU (quotas obligent), les délégués des autres nations se racontent des blagues ou consultent leurs sms sous la table. Bref, avec un CV pareil, personne ne vous écoute… sauf notre correspondant de la MAP à New York, pour le coup très studieux. Après Mswati III, les président de Gambie et du Népal, deux autres fervents soutiens de notre intégrité territoriale sacrée, prendront la parole. Mais avant eux, il est prévu que Barack Obama monte à la tribune. Un parfait interlude pour une pause pipi.« 
Les lobbies aux Etats-Unis n’apportant pas leurs fruits, Rabat change de stratégie. Et il décore Jason Isaacsson, président de l’AJC (Comité Juif américain).
D’après Ibn Kafka, l’AJC n’est pas une anodine organisation communautaire, mais un membre éminent de la ribambelle de lobbies qui constituent le lobby pro-israëlien aux Etats-Unis. Il suffit de lire les titres de de leur page d’accueil: on y parle d’Iran, de la politique d’Obama vis-à-vis d’Israël, et du président brésilien Lula, coupable de rencontrer le président et fraudeur électoral iranien Ahmedinejad. L’AJC a d’ailleurs des activités en dehors des Etats-Unis, ayant demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel français l’interdiction d’émettre sur le satellite Eutelsat de la chaîne palestinienne Al Aqsa TV, proche du Hamas. Quant au Centre Peres pour la paix, pour lequel travaille Isaac Siboni – également décoré mais à Madrid (Isaacson l’a été à New York) mais toujours l’ambassadeur itinérant marocain Serge Berdugo, inamovible président du Conseil des communautés israélites du Maroc – il suffit de préciser qu’il est nommé en l’honneur du boucher de Qana, le prix Nobel de la paix et criminel de guerre Shimon Peres.
L’option de l’alliance stratégique (du moins du côté marocain, car l’importance du Maroc aux yeux de l’Etat israëlien est sans doute relativement limitée) voulue par l’Etat marocain – bien évidemment sans aucune consultation de l’opinion publique ou des élus du peuple – se confirme, ajoute Ibn Kafka. On a eu la rupture capricieuse des relations diplomatiques avec l’Iran, la fermeture de l’ambassade marocaine à Caracas (Vénezuela), sans compter la foultitude de gestes divers depuis des années – tout ceci ne date pas de Mohammed VI, mais il est indéniable que l’on sent désormais un engagement sans faille là où on avait auparavant un jeu d’ombres.
 Les commentateurs israëliens qui ont daigné commenter l’événement ne s’y sont pas trompés: pour le journaliste et bloggeur israëlien Jonathan-Simon Sellem (qui précise que Jason Isaacson est “un fervent supporter et donateur à l’Etat d’Israël!“), “Mohamed VI soutient “indirectement” Israël“, et il spécule: Dans certaines maisons diplomatiques, on affirme déjà qu’Israël et le Maroc ont prévu de signer officiellement des accords dans les prochains mois. Reste à savoir quel est le moment idéal pour officialiser les fiancailles. »
Ensuite, le roi préside la cérémonie de mariage de son cousin Moulay Ismaïl avec une citoyenne allemande. Un mariage politique. Le seul homme qui osera faire allusion à l’origine juive de la mariée, le dessinateur Khalid Gueddar, recevra la punition la plus sévère : Entre 3 ans et 5 ans de prison pour une simple caricature!
Le journaliste Aboubakr Jamaï, dans un article publié sur Le Journal Hebdo, un autre média menacé par le régime, se demandait : « Est-il nécessaire de se prosterner devant les lobbys sionistes américains les plus radicaux pour défendre les intérêts du Maroc? Est-ce en compromettant notre intégrité morale que nous allons recouvrer notre intégrité territoriale? Quel rôle constructif peut jouer un pays dans la résolution du conflit en Palestine s’il n’a plus aucune crédibilité aux yeux de cette opinion publique arabe et internationale qui ne supporte plus l’injustice faite aux Palestiniens? Aucun. En refusant de recevoir Netanyahou en 1996, Hassan II l’avait compris. »
Et pendant que le monde entier crit pour la liberté des journalistes condamnés par le Makhzen, le prince Moulay Ismail est toujours en lune de miel. Après son séjour aux Iles Maldives, un paradis sur terre, le prince passera quelques jours à Paris.
Mohamed VI, descendant du prophète Mohammed, et plus directement de Hassan II, lui-même plus branché sur la torture que sur la liberté d’expression, a privilégié l’option de tout jouer pour le Sahara en détriment du bien-être du peuple marocain.

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