Le livre qui fustige trop Mohamed VI

Ali Amar, journaliste marocain, ouvre une polémique avec un essaie très critique à l’occasion du Xéme anniversaire de l’intronisation de l’actuel roi du Maroc.

« Ses crises de colère contre ses collaborateurs les plus proches sont innombrables ». La liste des humiliés et bannis pour avoir eu le malheur d’indisposer le roi continue à grandir ». Jusqu’au plus petit détail du protocole sur le culte à la personnalité est amené au paroxysme pour imposer, préserver et maintenir le caractère sacré du pouvoir divin du descendant du Prophète ». « Mohamed VI est un roi épicurien qui, après avoir été écrasé durant sa jeunesse par un père autocrate, aime faire des fugues à Paris ou à Rome pour côtoyer et imiter les étoiles du spectacle en s’habillant comme eux ».

Ali Amar, co-fondateur à Casablanca de l’hebdomadaire d’opposition Le Journal hebdomadaire, décrit dans ces termes le roi du Maroc dans son essai Mohamed VI, le grand malentendu, vendu en France depuis deux semaines par l’Editorial Calmann-Lévy, à l’occasion du décès, il y a dix ans, de Hassan II et de l’intronisation de son fils qui avait, à l’époque, 35 ans.

Celui d’Amar est le plus fustigateur de tous les livres écrits sur Mohamed VI depuis la publication, il y a 7 ans, du Le dernier roi. Crépuscule d’une dynastie, de Jean-Pierre Tuquoi, journaliste au Monde. Et c’est la première fois qu’un « sujet de Sa Majesté » ose aborder –c’est un exercice à haut risque- dans un essaie la décennie de Mohamed VI et il le fait « sans gants », selon l’expression de l’hebdomadaire « TelQuel » de Casablanca.

Sans avoir été expressément censuré, le livre ne sera pas distribué au Maroc. Malgré cela, il suscite une grande polémique dont l’acteur principal n’est pas le palais royal mais Moulay Hicham, cousin du monarque et troisième dans la ligne de succession au trône. Depuis son éloignement de Hassan II et son engagement pour la démocratie au Maroc, on le connaît avec le surnom de « prince rouge ».

Mulay Hicham fut déclaré en 1999 « peronne non grata » au palais de Mohamed VI. N’empêche, il continue à fréquenter la famille royale et son épouse, Malika, et ses enfants, ont accès aux demeures royales. Pendant toute cette décennie, le prince a gardé des relations étroites avec des intellectuels et journalistes critiques avec le régime. Entre eux, Ali Amar.

Dans le dernier paragraphe de son livre, Amar exprime sa reconnaissance au prince. « (…) ma compréhension des énigmes du « Makhzen » (entourage du roi) n’aurait pas pris forme sans le prince Moulay Hicham et son épouse Malika qui, par amitié, m’ont permis de partager, avec passion, pendant toutes ces années, leurs connaissances sur le sujet et leurs souvenirs ». Plus d’un lecteur est arrivé à la conclusion que le prince avait inspiré le livre.

La reconnaissance d’Amar a mis Moulay Hicham dans l’embarras. « A son avis, Ali Amar mérite le surnom de Brutus », écrit l’hebdomadaire l’Observateur » de Casablanca. Depuis la publication du livre, le prince n’arrête pas d’envoyer des lettres à la presse en s’attaquant à l’auteur et son essai. Il nie l’avoir « introduit dans les arcanes du palais », il affirme avoir coupé tout contact avec lui depuis deux ans et lui reproche d’attaquer la vie privée du monarque.

« Au lieu d’établir un bilan sérieux et objectif de ces dix ans de règne, l’auteur nous offre une série de clichés malintentionnés sur la personne du roi, de son épouse, sur la famille royale ainsi que sur de nombreuses personnalités politiques (…) » se lamente le prince. « Je refuse d’être instrumentalisé avec cet objectif peu honorable », conclue-t-il.

C’est Moulay Hicham qui a réagi avec le plus de virulence, mais beaucoup d’autres ont nié ou précisé les phrases qui leur sont attribuées. C’est le cas, à titre d’exemple, de Driss Jettu, premier ministre jusqu’à il y a 19 mois. Amar reprend une conversation tenue avec lui après la première interdiction du Journal Hebdomadaire en 2000. « Au palais », affirme Jettu, ses articles ne sont pas lus au détail et leur sens général n’est pas toujours compris ». « Traiter avec eux n’est pas traiter avec des intellectuels ».

Au moins, d’autres livres commémorent le dixième anniversaire de l’intronisation. « Mohamed VI, le prince qui ne voulait pas être roi », de Ferran Sales, ancien correspondant du EL PAIS au Maroc, lancé à la vente le mois dernier par la maison madrilène La Catarata. Pierre Vermeren, un professeur français auteur de plusieurs essais sur le Maroc, publiera le mois prochain à Paris Mohamed VI, la transition inachevée, éditorial La Découverte.

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