Catalogne : lourdes peines de prison pour avoir organisé un référendum

Neuf à treize ans de prison pour avoir organisé un référendum d’autodétermination selon le programme électoral pour lequel ils avait été élus et obtenus une majorité de 60 % de députés au parlement catalan, avant de l’avoir organisé, réobtenue une fois qu’ils ont été jetés en prison, et réobtenue encore en se présentant aux Cortès à Madrid, et réobtenue encore en se faisant élire au Parlement européen sans jamais avoir fait preuve de violence.

D’ailleurs le délit le plus grave, celui de rébellion a été écarté, confirmant que la violence n’a été employée ni du côté des autorités catalanes ni de la société civile.

Alors que des dizaines de milliers d’images, d’enregistrements sonores et vidéo, témoignent au contraire de l’extraordinaire violence des forces armées et policières espagnoles, frappant des électeurs, bombardant de gaz lacrymogène des files d’attentes, précipitant des citoyens dans les escaliers, frappant des personnes âgées avec près de neuf cents blessés.

Sans compter les vols d’urnes avec des centaines de milliers de bulletins, les cahiers d’émargements des électeurs avec leurs noms, signatures, et leurs adresses.

Ces femmes et ces hommes ont été condamnés pour avoir poussé leur engagement envers leurs citoyens jusqu’au bout et un électeur sur deux avait eu le temps de voter.

Le vol et l’empêchement d’un vote, que celui-ci ait été organisé par l’État central, ou pas, avec son assentiment ou pas, n’est pas un problème judiciaire. La police ni l’armée n’ont pas leur place en uniforme, armés et casqués dans un bureau de vote.

Ce n’est pas un problème judiciaire, c’est un problème politique. Et qui doit être traité de manière politique non par des magistrats mais par des parlements et des gouvernements.

Dans ces conditions, une condamnation avec des peines aussi élevées pour des faits relevants de l’initiative citoyenne du peuple catalan, dans une situation bloquée pendant dix ans par les juges espagnols outrepassant le résultats du votes légal en juin 2006, organisé par le gouvernement espagnol de José Luis Zapatero, pour renforcer les droits de l’autonomie catalane, avec 73,3 % de majorité acquise à ce référendum légal, nous sommes depuis lors dans une longue période de treize ans d’entraves au plein exercice de l’autonomie catalane telle que ce peuple l’avait choisi avec l’assentiment des parlementaires espagnols aussi bien de la chambre des députés que du sénat, onze ans avant que le peuple catalan ne décide de débloquer cette situation.

Onze ans, c’est long à l’échelle d’un peuple.

Neuf à treize ans, c’est le temps qui depuis hier est sensé s’ajouter aux onze ans de paralysie institutionnelle unilatérale des gouvernements centraux, en rupture avec les engagements pris de leur part.

https://fr.wikipedia.org/…/Statut_d%27autonomie_de_la_Catal…

Depuis lors, dans une situation bloquée au sommet de l’État, le monopole de la violence légale de l’État espagnol est en train de perdre de sa légitimité dans le cœur du peuple catalan, dans une aspiration, jusqu’alors marginale, à forger une nouvelle république de l’Union européenne affranchie de la tutelle de la monarchie espagnole.

Ce verdict du lundi 14 octobre 2019, prononcé par des juges partisans, se substituant à la souveraineté populaire, en violation de la séparation des pouvoirs, en s’appuyant sur des lois édictées du temps de la dictature franquiste, est une honte pour l’histoire contemporaine de la transition dite démocratique qui vient d’être poignardée dans le dos.

Fort de ce verdict inique, le juge Llarena, à l’origine des persécutions contre El Govern et la Generalitat de Catalunya, relance après l’avoir suspendu plusieurs fois le mandat d’arrêt européen contre l’ancien chef d’El Govern, Carles Puigdemont, malgré les revers parlementaires ou judiciaires infligés par les institutions parlementaires, gouvernementales ou judiciaires de plusieurs pays européens.

Cet abus du mandat d’arrêt européen, pour persécuter ses opposants s’apparentant à de la vengeance d’État n’a pas plus de chance d’être entendu par les magistrats des pays où se sont réfugiés les dirigeants catalans en exil que les tentatives précédentes.

Mais l’Espagne révèle ainsi aux yeux du monde la nature inquisitoriale, au sens littéral du mot, de son système judiciaire instituant la vengeance d’État à un degré inédit de criminalisation de l’aspiration des peuples à disposer d’eux-mêmes, dont le Pays Basque pouvait déjà témoigner tous les jours.

Avec le peuple catalan, le prétexte de la violence ne peut même pas être mis en avant.

C’est une impasse démocratique, qui traduit l’incapacité des institutions à traiter par la voie politique un désaccords entre des nations et un État.

Cette impasse mène tôt ou tard, la communauté internationale à trancher et préférer un divorce à la prise de risque d’une guerre civile, surtout que ce n’est pas pour une complète séparation, puis qu’il s’agit aux yeux du peuple catalan d’être rien de plus mais rien de moins qu’une des régions de l’Europe dans le dépassement nécessaire des États-Nations, dans le cadre d’une Union européenne sans frontières intérieures, avec la libre circulation des femmes et des hommes, et des marchandises, avec un même passeport et une même monnaie, des taux de tva comparables, un même parlement européen, et des solidarités avec les régions voisines et lointaines, organisées dans le cadre européen plutôt que strictement étatique.

Jamais la perspective de rester proche de ses voisins sans devoir s’y soumettre n’a eu plus de sens qu’avec la construction d’une Europe politique.

À l’heure où partout dans le monde, les Turcs au Kurdistan, les hindouistes au Cachemire avec leur minorité musulmane, les Pakistanais avec leur minorité hindouistes, les Chinois au Tibet, avec leur minorité boudhiste, au Xinjiang avec les Ouïgours, leur minorité musulmane, en Birmanie, la junte bouddhiste avec la minorité Roinga, musulmane, au Brésil avec les peuples autochtones de l’Amazonie.

Partout, les anciens empires retirent leur autonomie et leurs institutions démocratiquement élues aux minorités nationales et religieuses, profitant de ce que personne ne réagisse vraiment quand leur voisin le fait, pour le faire à leur tout en espérant bénéficier de leur mansuétude.
C’est ainsi que l’Espagne soutient la Turquie dans leur épuration ethnique des Kurdes. Espérant bénéficier de la neutralité bienveillante lorsqu’a son tour elle s’en prend à telle ou telle de ses minorités nationales.

Ainsi l’Espagne n’éprouve plus le besoin de prendre prétexte de l’usage de la violence de ses minorités pour violer les droits et le vote souverain de ses peuples, en détournant les principes des traités internationaux qu’ils ont ratifiés en siégeant à l’Organisation des Nations Unies sur le droit des peuples à disposer d’eux mêmes.

Ce verdict est une honte car il ramène quarante ans en arrière un État de l’Union européenne qui s’est construite pour en finir avec les guerres et les régimes totalitaires et pour abolir les frontières, une Espagne appartenant par ailleurs au Conseil de l’Europe visant à donner le maximum d’autonomie aux peuples sans État qui composent les États Nations européens.

Cette décisions « de justice », d’une brutalité inouïe dans un pays de l’Union européenne, devrait mettre l’Espagne au ban des nations démocratiques, à l’heure d’une énième campagne électorale incertaine, où par lassitude, les électeurs démocrates pourraient déserter les urnes, aux profit des forces les plus radicalisées d’un nationalisme espagnol réactivant le pire des périodes passées.

Depuis la mort de Franco, en 1975, l’Espagne, jusqu’à maintenant, a su acheter le silence passif des gouvernements et la complaisance médiatique d’une partie de ses voisins, si bien qu’en France notamment, on ne devrait pas assister à une levée d’indignation de ceux qui d’habitude protestent quand il s’agit des mêmes dérives d’instrumentalisation de la justice contre les minorités, nationales, ethniques, linguistiques, culturelles, de genre, religieuses ou politiques, à l’autre bout du monde.

La maison ne brûle pas que sur le plan environnemental et climatique. Elle brûle aussi sur le plan démocratique, et à nos portes et nous regardons ailleurs.

Ne jamais oublier le pasteur Martin Niemoller :

« Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils ont arrêté les homosexuels je n’ai rien dit, je n’étais pas homosexuel.

Quand ils ont arrêté les tziganes, je n’ai rien dit, je n’étais pas tzigane.

Quand ils ont arrêté les juifs, je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.

Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »

SOURCE/ FB LAVANGUARDIA.COM

danactu-résistance, 20 oct 2019

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