Algérie-Espagne : Le contrat gazier sur le fil du rasoir

Algérie-Espagne : Le contrat gazier sur le fil du rasoir – Maroc, gazoduc Maghreb-Europe, Sahara Occidental,

Les mises en garde de l’Algérie donnent à réfléchir à l’Espagne dans son projet d’acheminer du gaz vers le Maroc à travers le gazoduc Maghreb-Europe (GME). Après avoir assuré, le mercredi 27 avril, que «le gaz devant être acheminé vers le Maroc ne proviendra pas d’Algérie», les autorités espagnoles vont plus loin et préfèrent carrément temporiser avant de passer à l’action et provoquer un arrêt des livraisons de gaz algérien dont leur pays est fortement dépendant.

Par Feriel Nourine
Ceci d’autant que la presse espagnole rapporte que ces livraisons ont diminué durant la semaine dernière. Dans un article paru jeudi 05 mai, le quotidien El Economista indique que les entrées de gaz par le gozoduc Medgaz, reliant l’Algérie à l’Espagne, ont reculé de près de 25% durant cette période, comparativement à la mi-mars.
Analysant les données de surveillance quotidiennes du système gazier fournies par Enagas, le journal explique que 234 GWh/jour sont entrés depuis le 1er mai par le gazoduc contre 312 GWh/jour le 14 mars, date à laquelle le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, avait annoncé son revirement surprise à l’égard de la question sahraoui, se rangeant du côté du Maroc et engendrant une crise diplomatique où le gaz a le rôle d’une arme politique lourde.

Concernant le dossier de vente de gaz au Maroc, le ministère espagnol de la Transition écologique et du Défi démographique a ordonné à Enagas de «créer un système de garantie d’origine du gaz pour pouvoir exporter vers le Maroc sans déranger l’Algérie», rapporte de son côté le site espagnol spécialisé en énergie, El Periodico de la Energia.

«Afin d’offrir cette transparence et d’assurer l’origine et la destination du GNL que le Maroc contracte sur les marchés internationaux, le gouvernement a ordonné à Enagas, en sa qualité de Société de distribution de gaz en Espagne, de travailler le plus rapidement possible sur ce système de garanties d’origine», a indiqué le même ministère, soulignant que «le responsable du système travaille depuis plusieurs jours sur la nouvelle procédure dont on espère que les Algériens seront satisfaits».
L’information a été confirmée par Enagas, laquelle «indique travailler déjà sur la nouvelle procédure afin de garantir que le GNL acheté par le Maroc puisse être injecté dans le réseau gazier espagnol puis exporté vers le Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe», poursuit la même source.

Rassurer sur l’origine du gaz
«C’est avec ce système de garanties que le Gouvernement veut satisfaire l’Algérie et lui donner ainsi la sécurité qu’aucune molécule de gaz que Sonatrach fournit à l’Espagne ne se retrouve au Maroc», insiste la partie espagnole dans une tentative visant à éviter que les menaces de l’Algérie soient exécutées, ce qui coûterait très cher à l’Espagne, en sa qualité de pays grandement dépendant de l’Algérie dans sa consommations gazière.

Selon le média espagnol, on s’attend à ce que, dans les prochaines semaines, cette nouvelle procédure soit approuvée pour «satisfaire l’Algérie et ainsi pouvoir exporter du gaz vers le Maroc, un pays qui se retrouve sans approvisionnement en gaz depuis le 31 octobre dernier, où le contrat de fourniture de gaz n’a pas été renouvelé à travers le gazoduc Maghreb-Europe».

Le déploiement de Madrid fait suite aux menaces de l’Algérie de rompre son contrat de fourniture de gaz à l’Espagne au cas où il y a «manquement aux engagements contractuels». Le 27 avril, la partie algérienne avait réagi par le biais du ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, à un message électronique de son homologue espagnole, Mme Teresa Ribera, l’informant de la décision de l’Espagne d’autoriser le fonctionnement, en flux inverse, du GME. Autrement dit, l’Espagne a informé l’Algérie qu’elle allait fournir du gaz au Maroc via ce lien. «Tout acheminement de quantités de gaz naturel algérien livrées à l’Espagne, dont la destination n’est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels et, par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant la Sonatrach à ses clients espagnols», avait prévenu le ministère de tutelle. Immédiatement, les Espagnols ont répondu pour tenter de calmer les eaux.

«L’engagement avec l’Algérie est que pas une seule molécule du gaz qui atteint le Maroc ne puisse être attribuée au gaz venant d’Algérie», a déclaré Teresa Ribera. «L’accord que nous mettons à disposition en termes commerciaux est l’infrastructure pour le Maroc, mais à la condition essentielle est que ce soit le Maroc qui contracte le gaz naturel liquéfié en volume par ce tuyau, dans le sens opposé, nord-sud, et qu’il soit transparent et l’origine de ce gaz et le lieu où ce gaz est déchargé afin que nous puissions être sûrs que le volume, l’origine et la destination sont conformes à cet engagement envers l’Algérie», a-t-elle expliqué.

Les assurances de bonne foi espagnoles ne tiennent toutefois pas la route si l’on se fie aux explications livrées à Reporters (édition de jeudi) par l’expert en énergie Tewfik Hasni. Ce dernier affirme qu’il est «impossible» de tracer le gaz d’une source à une autre et que, par conséquent, on ne peut connaître l’origine du gaz que va transférer l’Espagne vers un autre pays. «L’Espagne importe, à la fois, du gaz sous forme de GNL (gaz naturel liquéfié) des Etats-Unis et du Qatar dans des méthaniers, et du gaz gazeux d’Algérie via un gazoduc», a-t-il commencé par indiquer. «Une fois que le GNL est converti en gaz à la sortie du terminal GNL espagnol, il ira dans le même réseau que le gaz algérien. Il n’y a donc pas de traçage de ce gaz, car tout est mélangé à la fin», a expliqué M. Hasni.

A noter que Sonatrach a fourni en 2021 plus de 40 % du gaz naturel importé par l’Espagne, dont l’essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an. Une autre partie du gaz algérien arrivait jusqu’en octobre en Espagne à travers le GME passant par le Maroc. Mais Alger l’a fermé après la rupture en août de ses relations diplomatiques avec Rabat, privant ainsi le Maroc du gaz algérien qui transitait par son territoire.

Reporters, 08 mai 2022

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