Maroc : Du lobbying via des journalistes grâssement payés

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Des journalistes de Libération, TF1, L’Express et Le Point rémunérés par le Maroc
Par Hocine Adryen
Publié le 24 déce. 2014

Certains journalistes des plus gros titres de la presse française
sont aujourd’hui éclaboussés par une sombre affaire de pots-de-vin versés par le royaume chérifien. Après les révélations de dessous-de-table reçus par des journalistes de Libération, TF1, L’Express et le Point de la part de la monarchie marocaine, cette fois-ci il s’agit d’une nouvelle affaire de corruption qui touche la presse française.

Des échanges de mails ont été diffusés, depuis octobre 2014, par un hacker marocain, Chris Coleman. Ils informent de liens de connivence entre des éditorialistes de la presse française et des membres du pouvoir marocain, qui auraient aussi versé plusieurs milliers d’euros à des journalistes, à plusieurs reprises.

A cela s’ajoutent des séjours passés dans des hôtels du royaume. Des révélations qui ternissent davantage l’image de la presse française et qui remettent sur la table des débats la fiabilité des informations livrées par ces médias, concernant bien entendu le Maroc, ses pseudos réalisations et les attaques en flux tendu contre l’Algérie.

L’objectif pour Rabat était que ces médias diffusent, en France, la position officielle sur la question du Sahara occidental. Depuis le mois d’octobre dernier, un twitteur marocain, Chris Coleman, diffuse des informations compromettantes sur un système de corruption au sein de la monarchie au Maroc.
Les journalistes français auraient été encouragés à défendre la position de la monarchie contre la lutte que mène le Front Polisario au Sahara occidental.

L’organisation sahraouie milite pour l’indépendance de cette ancienne colonie espagnole depuis 1975. Ce système de corruption aurait été organisé notamment par le directeur de la rédaction de l’Observateur du Maroc, en lien avec les services de renseignements marocains : les journalistes étaient grassement payés pour la rédaction d’éditoriaux dans le quotidien. José Garçon, Mireille Duteil et Vincent Hervouët ont la particularité d’avoir publié chacun entre 22 et 26 chroniques, rien qu’entre janvier et octobre 2014, en s’abstenant à chaque fois d’évoquer la situation intérieure marocaine.

Coleman s’est mis à dévoiler des centaines de documents, datant parfois de plusieurs années, se rapportant à des ordres de virement et des correspondances confidentielles, internes au gouvernement. Des membres de la famille royale sont visés ainsi que plusieurs ministres, comme celui des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, accusé de trafic d’influence.

Des diplomates, des sociétés privées, les services de renseignements marocains de la Direction générale des études et de la documentation (DGED) sont aussi mis en cause ainsi que des journalistes locaux et étrangers, notamment français, accusés d’avoir été corrompus pour défendre la position du pouvoir marocain sur le Sahara occidental.

Ahmed Charaï, l’homme-lige du roi

Dans un droit de réponse adressé au Nouvel Observateur, suite à la publication d’un article qui évoque son rôle dans le recrutement de mercenaires de la plume au service du makhzen, le directeur de la publication de l’Observateur du Maroc, Ahmed Charai, celui qui sert de lien entre le palais royal et les journalistes, confirme ses relations intimes avec les journalistes français dont les noms apparaissent dans les « câbles » diffusés par le hacker marocain.

Ahmed Charaï reconnaît à demi-mot ses liens étroits avec les journalistes cités plus loin dans un droit de réponse publié intégralement par le Nouvel Observateur : « En vingt ans, j’ai pu lier des amitiés un peu partout dans le monde. Les quatre journalistes que vous citez me font l’honneur de leur amitié. Ils collaborent avec mes supports depuis plus d’une décennie. »

« Leurs carrières respectives parlent pour eux, leur indépendance ne peut être mise en doute », a-t-il indiqué, assumant ainsi ses rapports étroits avec Vincent Hervouët, rédacteur dans la chaîne de télévision française LCI, Dominique Lagarde, journaliste au service monde de l’Express, Mireille Duteil, rédactrice adjointe au service monde du Point et José Garçon, journaliste à Libération. Ahmed Charaï reconnaît aussi être membre de plusieurs think tanks américains qui font souvent du lobbying en faveur du régime marocain. « Aux USA, je suis membre du conseil d’administration de plusieurs think tanks ».

Au passage, il s’attaque également et comme de coutume à l’Algérie qu’il accuse d’être derrière ces fuites, en estimant que ses « positions » gênent « les barbouzes algériens ». Ahmed Charaï assure avoir toujours eu des « amis » israéliens. « Je défends la solution des deux Etats et j’ai des amis dans les deux camps (Israël et Palestine) et j’en suis fier. Plus, je continuerai à entretenir mes rapports avec ces personnalités politiques palestiniennes et israéliennes, qui peuvent faire avancer la paix », dit-il fièrement.
Un aveu en bonne et due forme ?

Le Jeune Indépendant, 24/12/2014

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Algérie-Maroc : Chris Coleman, un tweetos aux trousses des journalistes

Le scénario est digne d’un livre d’espionnage de John le Carré : un corbeau, un homme d’affaires, des services de renseignements, deux Etats impliqués, des journalistes présentés comme des ripoux et des révélations (invérifiables) en cascades…

« Nous sommes otages d’une machine à salir », s’indignent les deux journalistes Mireille Duteil, « Le Point », et José Garçon, ex de « Libération » dans une tribune. Que s’est-il passé ? Depuis début octobre, un hacker, @chris_coleman24, inonde la Toile d’informations contre le régime chérifien. Parmi les centaines de posts, quelques uns mettent en cause quatre journalistes français, censés être « achetés » par un homme d’affaires marocain, Ahmed Charaï, propriétaire de plusieurs médias, dont notamment L’Observateur du Maroc dans lequel collaborent Mireille Duteil et José Garçon.

Pour de nombreux spécialistes, le hacker tweete des mails piratés, certains authentiques, d’autres partiellement faux ou carrément falsifiés. «Ce qui est sûr, c’est que contrairement à Edward Snowden ou Julian Assange, «Chris Coleman» reste anonyme, soigneusement caché derrière un pseudo de jazzman américain ou de… footballeur. Et que tout pointe plutôt vers les services algériens, engagés dans une opération de déstabilisation à l’ancienne du voisin, empruntant les habits neufs de la cyber-dissidence et des réseaux sociaux», croit savoir Pierre Haski, directeur de Rue89.

Le hacker, le roi et les barbouzes

L’identité du hacker demeure mystérieuse. Pour la presse marocaine, le lanceur d’alerte n’est pas une personne physique mais les services secrets algériens qui chercheraient à déstabiliser la diplomatie marocaine. Autre son de cloche du côté d’Alger : le pirate serait un haut fonctionnaire marocain et pour le quotidien Liberté un journaliste espagnol, Ignacio Cembrero, qui s’est empressé de démentir. Tout en affirmant que les documents mis en ligne par @chris_coleman24 sont authentiques.

A un follower (internaute qui suit son compte) qui lui demandait «pourquoi il balançait ses documents», le principal concerné répond : «Tout simplement fragiliser le Maroc, notamment son appareil diplomatique».

Ancienne journaliste à l’Express, chargée de la couverture du Maghreb, Dominique Lagarde, mise en cause par le hacker, finit par lui répondre: « Je n’ai voulu réagir, dans un premier temps, ni aux tweets de « Chris_Coleman24 », ni aux commentaires et accusations qui ont suivi sur les réseaux sociaux et les sites d’information (…)Je n’ai jamais reçu d’argent, ni de cadeau. Je n’ai jamais non plus accepté une seule invitation, que ce soit à titre professionnel ou privé ».

La diffusion de documents sir Internet dépasse très largement la mise en cause des journalistes. « À nos yeux, la cascade de documents diplomatiques marocains rendus publics par ce hacker atteste par ailleurs d’une évidence : dans cette cyberguerre, les journalistes ne sont qu’une sorte de « produit d’appel » destiné à lancer, grâce à son aspect sulfureux (« la corruption de la presse française »), cette campagne que Rabat impute à Alger et que l’Algérie attribue à un « hacker marocain » sans fournir d’indice accréditant cette affirmation », expliquent Mireille Duteil et José Garçon.

Les autorités algériennes et marocaines demeurent muettes. « Une chape de plomb couvre, au Maroc, cette masse de documents accessibles pourtant à tous sur Internet. A part quelques rares déclarations officielles, comme celle de la ministre déléguée aux Affaires étrangères, Mbarka Bouaida, qui a accusé des « éléments pro Polisario » d’avoir agi avec l’appui de l’Algérie, aucun membre du gouvernement, aucun sécuritaire, aucun parti politique ne s’est prononcé sur un sujet aussi majeur. Il n’y a eu, par ailleurs, aucun démenti de l’authenticité des câbles », s’inquiète le journal marocain Tel Quel. Même silence officiel à Alger.

Le hacker vient d’épingler ce lundi sa dernière victime : l’éditorialiste américain Richard Miniter, accusé d’avoir empoché 60.000 dollars de la part du Maroc, via PNC Bank. La cyber-guerre promet d’être longue, avec des répercussions réelles.

France TV Info, 05/01/2015


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Maroc : la presse française éclaboussée par une nouvelle affaire de corruption

Après les révélations de dessous-de-table reçus par des journalistes de « Libération », « TF1 », « L’Express » et « Le Point » de la part de la monarchie marocaine, il s’agit d’une nouvelle affaire de corruption qui touche la presse française.

De nouvelles révélations de corruption de journalistes, par un pouvoir autoritaire d’Afrique du Nord, salissent la presse française. Avant les journalistes de Libération, TF1, L’Express et Le Point qui auraient été payés par la monarchie marocaine, le régime de Ben Ali avait déjà su s’attirer, en 2011, les faveurs de patrons de presse français.

Séjours luxueux

A l’époque, Le Canard enchaîné avait indiqué que l’ancien homme fort de la Tunisie avait « remercié » des patrons de presse comme Etienne Mougeotte qui était à la tête du Figaro, Nicolas de Tavernost à M6, Dominique de Montvalon au Parisien, Alain Weil de RMC-BFM TV, Jean-Claude Dassier à l’époque à LCI et Françoise Laborde alors à France 2. Ils auraient été gratifiés de séjours luxueux tous frais payés, pour eux et leur famille.

Les versements auraient alors transité par une société de communication, Image 7, liée à l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE).

Connivence

La nouvelle affaire de corruption concerne à nouveau des journalistes français et un pouvoir autoritaire d’Afrique du Nord. Des échanges de mail ont été diffusés, depuis octobre 2014, par un hackeur marocain, « Chris Coleman ». Ils informent de liens de connivence entre des éditorialistes de la presse française et des membres du pouvoir marocain, qui auraient aussi versé plusieurs milliers d’euros à des journalistes. A cela s’ajoutent des séjours passés dans des hôtels du Royaume.

Des révélations qui ternissent davantage l’image de la presse française et qui remettent sur la table des débats la fiabilité des informations livrées par ces médias, concernant bien entendu l’Afrique.

Afrik.com, 23/12/2014

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Maroc, des journalistes français sous influence

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Des journalistes français rémunérés par le Maroc : c’est ce que révèle « Chris Coleman », pseudonyme d’un mystérieux « twitteur » qui met en ligne des courriels confidentiels. Ces derniers ne laissent aucun doute sur les relations entre le pouvoir marocain et quatre spécialistes du Maghreb. Ce n’est pas la première fois qu’est dénoncée la corruption de membres de la presse française par des régimes autoritaires du sud de la Méditerranée. En juin 2011, Le Canard enchaîné avait publié les noms de plusieurs dirigeants de médias importants, invités à passer des vacances gratuites au soleil et remerciant avec des articles et des interviews complaisants. À l’époque comme aujourd’hui, la mise à jour de ces liaisons coupables n’avait guère suscité d’émotion.

Des journalistes français payés par le Maroc : c’est la partie la plus sulfureuse des révélations du mystérieux twitteur « Chris Coleman ». Derrière ce pseudonyme1 se cache un lanceur d’alerte non identifié, parfois surnommé « le Snowden marocain ». Parmi les centaines de documents mis en ligne depuis début octobre sur Facebook, puis sur Twitter, plusieurs dizaines dévoilent les liens entretenus par quatre journalistes français avec un directeur de magazine marocain très proche du pouvoir.

Au cœur de ces relations très particulières : la question du Sahara occidental, obsession du royaume. Pour défendre sa politique colonialiste et empêcher l’organisation du référendum d’autodétermination que l’ONU réclame année après année, le Maroc a besoin du soutien des grandes puissances. En France, l’appui de journalistes influents a joué un rôle important auprès de l’opinion publique et du gouvernement français. Selon les dizaines de courriels (58 exactement à ce jour, dans leur format d’origine) mis en ligne par « Chris Coleman », cet appui n’était pas gratuit. Les messages, dont le plus ancien date du 4 octobre 2007 et le plus récent du 14 juin 2012, concernent en majorité des échanges entre Ahmed Charai, directeur de la rédaction de L’Observateur du Maroc, un hebdomadaire francophone, et son contact dans l’un des services de renseignement du royaume chérifien.

UNE COLLABORATION « BÉNÉVOLE » DE POIDS

De quoi parlent les deux hommes ? De la collaboration àL’Observateur du Maroc de quatre journalistes occupant des postes importants dans des médias français : Dominique Lagarde, ancienne rédactrice en chef adjointe au service Monde deL’Express, José Garçon, ancienne journaliste à Libération,Mireille Duteil, ancienne rédactrice en chef du Point et actuelle éditorialiste, toutes trois spécialisées dans la couverture du Maghreb, ainsi que Vincent Hervouët, éditorialiste de politique étrangère sur TF1 et LCI et présentateur d’une émission quotidienne, Ainsi va le monde. Tous quatre fournissent au magazine, depuis plusieurs années, une production impressionnante. Rien qu’entre janvier et fin octobre 2014, les trois derniers ont publié chacun entre 22 et 26 chroniques qui ont pour point commun de ne jamais évoquer la situation intérieure du Maroc.

Interrogés fin octobre par le site Arrêt sur images de Daniel Schneidermann, tous quatre ont nié avoir été payés pour ces chroniques. Un travail bénévole consenti à un ami, ont-ils expliqué. Une réponse qui ne convainc pas un spécialiste des liens entre élites françaises et Makhzen (nom familier de l’État et des institutions régaliennes) : « je ne connais pas un journaliste qui écrirait gratuitement pendant des années et pour un journal que personne ne lit ! Je n’ai pas l’ombre d’un doute sur le fait qu’ils ont été payés ».

ACCOINTANCES AVEC LE RENSEIGNEMENT MAROCAIN

Les courriels impliquant les journalistes français laissent peu de de doute sur la nature de leurs relations avec le magazine, ni sur celles entretenues par L’Observateur du Maroc avec le pouvoir. Les courriels ont été authentifiés par un journaliste spécialiste d’Internet, Jean-Marc Manach, dans un article paru le 15 décembre sur le site Arrêt sur Images. Ces messages sont envoyés par Ahmed Charai, le directeur du magazine à « Sdi Morad ». Des indices laissent penser que « Sdi Morad » est Mourad Ghoul, directeur de cabinet de Yassine Mansouri, directeur de la Direction générale des études et de la documentation (DGED). Et ancien patron de l’agence de presse officielle Maghreb Arabe Presse…

Plusieurs des messages accessibles commencent par « Sdi Yassine », qui renverrait selon toute vraisemblance à Yassine Mansouri. Selon le journal en ligne demainonline, Ahmed Charai serait « réputé pour ses accointances avec la DGED ». Membre de nombreux think thanks, il est présenté comme un expert du Maroc et de l’Afrique du Nord, rompu à l’art d’encenser l’action royale et de promouvoir « l’exception marocaine »2. Plusieurs courriels montrent ses relations avec des représentants de la communauté juive, comme ceux de l’American Jewish Committee ou de la Sephardic National Alliance, sur lesquels « on peut compter » pour le dossier du Sahara, comme il le souligne dans des messages adressés directement à « Sdi Yassine ». Ahmed Charai s’active donc plus comme un agent en service commandé que comme un patron de presse.

DE MYSTÉRIEUSES TRACTATIONS FINANCIÈRES

À propos des journalistes français, les échanges entre Ahmed Charai et « Sdi Morad » sont explicites. Le 2 octobre 2011, par exemple, Charai précise la somme de 6000 euros qu’il lui faudra remettre à chacun des quatre journalistes lors d’une réunion dans un hôtel parisien. Pour Vincent Hervouët, le montant est détaillé :« 2 000 par mois pour L’Observateur et 1000 euros par numéro pour le Foreign Policy », un magazine en ligne américain de Slate Group auquel a collaboré Hervouët et dont Charai a été l’éditeur de la version francophone.

Le message en question a, comme les autres, été authentifié par Jean-Marc Manach : le message a bien été envoyé de l’adresse électronique d’Ahmed Charai à celle de « Sdi Morad ». Prouve-t-il absolument que Vincent Hervouët a été rémunéré ? Deux autres hypothèses peuvent être évoquées : Ahmed Charai aurait pu extorquer de l’argent à la DGED en prétendant payer les journalistes français, mais en gardant les versements pour lui. Autre explication : le courriel aurait été envoyé à son insu. C’est ce qu’affirme Charai, qui dénonce le « piratage » de son compte depuis 2010, pointant les services algériens. Ce qui est peu probable puisque le « contact » lui a répondu sur un détail précis.

D’autres messages évoquent l’existence de transactions financières entre Ahmed Charai et Vincent Hervouët. Il s’agit cette fois de messages envoyés par Hervouët lui-même à Ahmed Charai, et transmis par ce dernier à son contact — donc, semble-t-il, à la DGED. Le 22 avril 2010 par exemple, le journaliste français demande à Ahmed Charai : « est-ce que tu es sûr que ça ne t’embête pas de m’avancer sur mon salaire les 38 000 euros ? » Avant de le transmettre à son contact habituel, ici probablement Yassine Mansouri : « Pour Sdi Yassine. Je crois qu’on pourra faire le geste ! »

Le lien financier entre les deux journalistes dépasse la production de chroniques. Le présentateur de LCI est actionnaire, à hauteur de 10 %, d’une société dont Ahmed Charai est le PDG : Audiovisuelle International, qui diffuse Med Radio. Actionnaire en tant qu’« opérateur qualifié », Vincent Hervouët avait participé en 1981 et 1982 au lancement de Radio Méditerranée internationale (devenue Medi 1).

SERVITEURS ZÉLÉS DE LA PROPAGANDE GOUVERNEMENTALE MAROCAINE

Pour le Maroc, le retour sur investissement va bien au-delà des articles écrits dans l’obscur Observateur marocain. On peut s’interroger sur l’approche que peuvent avoir ces journalistes des sujets qui concernent le Maghreb, et le conflit du Sahara occidental en particulier. Alors qu’ils publient leurs chroniques dans un titre marocain qui aborde fréquemment ce dossier, en reprenant à son compte et sans nuance la propagande marocaine, pourquoi eux-mêmes n’évoquent-ils pas davantage le sujet dans leurs propres médias ?

On peut noter par exemple que la révolte dite de Gdeim Izik, en octobre et novembre 2010, qui a mobilisé environ 20 000 Sahraouis, a été passée sous silence dans l’émission Ainsi va le monde présentée quotidiennement par Vincent Hervouët, lorsqu’elle s’est achevée dans la violence, avec la mort d’agents des forces de l’ordre marocaine et de civils Sahraouis, le 8 novembre. En revanche, quelques jours plus tard, le 23 novembre, Hervouët diffusait « en exclusivité » des images de « terroristes » dans un camp d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Il expliquait que« des liens seraient avérés entre une cinquantaine de membres du Polisario et AQMI » et que les « camps du Polisario » (en fait, des camps de réfugiés situés près de Tindouf en Algérie et administrés par le Polisario avec l’aide d’ONG et du HCR et du Programme alimentaire mondial de l’ONU) formeraient un« nouveau vivier » pour recruter des terroristes. Une information tronquée, reprise régulièrement dans la presse française.

Le surlendemain de la diffusion de cette émission, le journaliste demande à son ami Ahmed Charai de lui réserver trois chambres au Sofitel de Marrakech pour venir passer les fêtes de fin d’année en famille. Dans ce message, transféré par Charai à son contact à la DGED, Vincent Hervouët se félicite d’avoir eu « au moins quatre appels de différents services de mon cher gouvernement (…) au sujet de la vidéo, c’est pas mal ! » Et d’ajouter : « Par contre la direction du Polisario a envoyé hier soir une lettre au Président de la chaîne, protestant contre ce qu’ils ont appelé « l’amalgame » entre AQMI et le front Polisario, ils veulent un droit de réponse, mon œil !!! ».

Le même ton goguenard est employé dans les échanges entre Vincent Hervouët et Ahmed Charai en avril 2010. Il s’agit cette fois de monter en épingle, pour faire du tort au pouvoir algérien semble-t-il, la proclamation à Paris d’un gouvernement en exil par le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK). Le journaliste explique avoir eu un peu de mal à rendre crédible son sujet. Il a fallu, écrit-il, le bâtir avec des images « de (petites) manifestations », « dénichées (…) en payant au prix fort ! ».Hervouët explique ensuite qu’après une vive réaction du ministre algérien des affaires étrangères, il a dû passer « une heure avec le Big Boss pour le convaincre du sérieux du MAK ».

Dans cette affaire, le journaliste français joue aussi un rôle de communicant du royaume marocain. Il aide Ahmed Charai à médiatiser la conférence de presse du MAK à Paris. Charai semble en être l’organisateur. Dans un courriel du 20 avril, il dit avoir contacté lui-même les journalistes habituels. « Il faut envoyer les invitations », demande-t-il à son contact. Ahmed Charai explique à son contact du service de renseignement qu’Hervouët, alors président de l’association de la presse diplomatique, a appelé le chef du service politique de l’AFP.

OLIVIER QUARANTE

1Le mystérieux twitteur est sans doute un fan de ballon rond : il a pris comme identité fictive le nom du sélectionneur de l’équipe nationale de football galloise.

2On peut lire un exemple du type d’analyse dont Ahmed Charai gratifie les thinks thanks et les médias internationaux ici.

Orient XXI, 22/12/2014

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